L’ancien membre de Saturday Night Live Kyle Mooney s’essaie finalement à la réalisation de son premier long-métrage avec Y2K, une proposition dans la veine de ses projets les plus fous, mais à qui il manque de la fougue.
Quiconque connaît un peu le travail de Kyle Mooney sait qu’il ne fait pas de la nostalgie facile, ou à rabais, mais bien toujours quelque chose qui ressemble à un hommage, avec un amour et un respect évident du passé. On comprend donc sans mal pourquoi il a eu envie de s’attaquer au fameux bogue de l’an 2000… en le concrétisant littéralement, alors que les machines décident de prendre le contrôle.
On ne se surprendra pas non plus de retrouver Jonah Hill comme producteur du projet, puisque lui aussi s’est essayé au genre rétro avec son Mid90s toujours chez A24, sans oublier le This is the End, qui lui aussi mêlait apocalypse et humour.
Quelle belle idée, aussi, d’avoir fait appel au directeur photo émérite Bill Pope, qui s’y connaît autant en fin du monde – en ayant travaillé sur The World’s End avec Edgar Wright –, mais aussi en technologies, en ayant participé à la trilogie originale de The Matrix. Dommage, toutefois, que visuellement, l’oeuvre s’avère fade, souvent trop sombre et peu attrayante.
Malgré une ouverture prometteuse nous ramenant rapidement en 1999 via les limites technologiques de l’époque, qui sont aujourd’hui rigolotes, mais qui étaient autrefois frustrantes, on retombera ensuite assez rapidement dans un film pour ados assez conventionnel.
On connaît le classique: deux jeunes pas vraiment populaires aimeraient bien perdre leur virginité aux abords du nouveau millénaire. C’est la même rengaine des American Pie aux Superbad. Et si l’aspect apocalyptique aurait pu donner quelque chose de surprenant, comme le Avant qu’on explose de Rémi St-Michel, on ne profite que rarement des possibilités de la prémisse.
Certes, les effets, pour la majorité créés par la réputée compagnie néo-zélandaise Weta Worskshop, sont épatants. La scène de carnage, tout juste après le décompte de la nouvelle année, mais aussi de l’arrivée du nouveau millénaire, est assurément jouissive et sanglante à souhait.
Et bien qu’on apprécie le fait que l’on n’insiste jamais sur les références et que l’on s’assure que le tout est fluide, naturel et réaliste (à noter qu’une vaste majorité de la distribution n’était pas née au moment où se déroule le récit), on finit par regretter que les circonstances et les revirements sont un peu trop traités de manière superficielle et banale.
Sans donner nécessairement dans le film de survie, ou encore dans le slasher, Y2K tente de développer ses personnages, le tout avec plus ou moins de conviction, et en cherchant à déjouer les stéréotypes de l’adolescence.
Tout cela s’effectue principalement à l’aide du personnage de Laura, interprétée avec fougue par Rachel Zegler, qui a remplacé Jenna Ortega. Celle-ci est la jolie fille populaire qui cache aussi un grand potentiel de surdouée du web et de l’informatique, façon Lisbeth Salander de la saga Millenium.
Du reste, le tandem principal est l’habituel jeune coincé, sous les traits d’un Jaeden Martell qui reprend exactement presque tous ses rôles des It à St. Vincent, en passant par Arcadian et tous les autres, et son comparse extraverti, rôle que Julian Denison, découvert dans le Hunt fort the Wilderpeople de Taika Waititi, puis dans Deadpool 2 de David Leitch, a visiblement beaucoup de plaisir à interpréter.
Drôle uniquement avec parcimonie (on conseille de rester au générique pour une scène cachée qui reproduit de manière inattendue un clip très populaire de l’époque, le genre de délire qu’on se serait attendu à retrouver davantage d’ailleurs) et moins palpitante qu’on le semble le croire, la réalisation de Kyle Mooney ne casse rien.
Cela est bien dommage, puisque le projet cinématographique précédent de Mooney, Brigsby Bear, où il tenait le rôle principal, en plus d’en avoir imaginé l’histoire et co-signé le scénario, était une épatante surprise apportant une twist aussi épatante qu’inattendue à son approche à la nostalgie.
Ici, il a troqué son partenaire scénaristique Kevin Costello pour Evan Winter, qui signe son premier script. Serait-ce l’une des raisons expliquant ce qui ressembe à un manque d’inspiration?
Qui sait. Puisque pour un passage où la musique de Danny Bensi et Saunder Jurriaans semble pasticher la fameuse Clubbed to Death de Rob Dougan utilisée dans The Matrix, on se retrouve avec des situations qui ne lèvent pas vraiment, incluant des Tim Heidecker et Alicia Silverstone cruellement sous-utilisées en parents.
Même sur les plans visuel et technique, on n’a même pas osé reproduire l’esprit des films de l’époque, en présentant plutôt une oeuvre banale qui ressemble à tant d’autres.
On restera néanmoins avec une proposition sympathique à ses heures, et fort heureusement assez courte avec ses 93 minutes, même si on ne semble jamais vraiment se détacher de l’impression d’écouter la version allongée d’un court-métrage qui n’exploite jamais tout son potentiel.
5/10
Y2K prend l’affiche en salle ce vendredi 6 décembre.