Difficile de ne pas associer l’acteur et humoriste Frank Dubosc – devenu scénariste et maintenant réalisateur – à la comédie. Pour sa troisième proposition en tant que cinéaste, plusieurs cinéphiles seront probablement surpris par le ton, qui jure joyeusement avec le genre de films auquel il nous a habitués. Dommage que malgré une certaine assurance, Un ours dans le Jura ne trouve jamais son rythme de croisière.
En pleine période où il s’amuse à plonger dans des rôles qui lui permettent d’explorer une facette plus vulnérable, sans briser son rapport intrinsèque à la comédie (on pense à Nouveau Départ, notamment), Frank Dubosc en profite aussi pour essayer d’agrandir ses univers et multiplier ses possibles.
Ayant habitué son public et ses fidèles à des comédies grand public assez simplistes, on se dit qu’il a peut-être voulu se donner une chance de changer son casting pour montrer à tous de quel bois il se chauffe.
Ainsi, dans une proposition plus stylisée que de coutume, il se lance avec un enthousiasme évident dans la comédie absurde, violente et déroutante, dans la veine connue et beaucoup utilisée des nombreux Fargo et téléséries comme la jouissive Des gens biens ou Faits divers, ici au Québec.
C’est l’hiver, sur fond de Noël, dans un village perdu où tout le monde se connaît. L’engrenage débute par l’ours du titre, interprété par Valentin selon le générique, qui éclipse pratiquement l’impressionnante distribution. D’ailleurs, plusieurs personnes voudront rester jusqu’à la toute fin pour une amusante scène cachée.
Sans être le personnage principal (on en parlera plus qu’on le verra), un peu à l’image de l’émeu dans le Congorama de Falardeau, cet ours se ramasse involontairement au coeur de bon nombre de péripéties qui finiront par toutes se lier entre elles et ramener toujours en leur coeur le couple formé de Michel et Cathy, paumés et distants, interprétés avec leur fougue habituelle, mais avec un ton pince-sans-rire savoureusement assumé se mariant à l’ensemble, par Dubosc et Laure Calamy.
Les hasards, les accidents et les morts se multiplieront; les choix douteux aussi. Si l’on appréciera plusieurs idées franchement bien trouvées (la boucle d’oreille notamment) dans ce scénario que Dubosc a co-écrit avec Sarah Kaminsky (qui a collaboré à plusieurs projets de Dany Boon), on regrettera que la majorité des décisions prises par les personnages s’avèrent d’une bêtise insultante qui fait régulièrement décrocher. Surtout que les mauvaises idées (le téléviseur par exemple) sont plus nombreuses que les bonnes.
Certes, on pique souvent ces réflexions avec des répliques qui mettent en cause l’intelligence ou les références comme les émissions policières, mais c’est trop peu pour justifier la stupidité d’ensemble qui règne. Surtout quand on répète ad nauseam qu’il s’agit seulement d’accidents.
Bien sûr, qui dit petit village et situations bizarroïdes dit évidemment poste de police aux employés pas si futés que cela. Interprétés notamment par un judicieux duo formé de Benoît Poelvoorde et Joséphine de Meaux, on a au moins eu le bon goût de les développer plus que de coutume et de s’assurer qu’ils ne sont pas aussi bêtes qu’ils en ont l’air.
On se désole, par contre, que ce n’est pas suffisant, au même titre que des petits rôles et apparitions comme ceux d’Emmanuelle Devos, Mehdi Meskar, Delphine Baril et Anne le Ny, pour sauver l’ensemble, incluant des références discutables aux migrants.
On aurait aimé adhérer à tout cela, tellement la folie semble toujours prête à se pointer le bout du nez. Malheureusement, le ton toujours un peu trop sérieux et pas assez assumé de l’absurdité en place met en doute notre appréciation. Cela est encore plus le cas si l’on considère que la réalisation de Dubosc manque de nerf et d’une vision artistique qui aurait évité au film de paraître aussi générique et anonyme.
Un ours dans le Jura sera donc probablement une bonne entrée en matière pour ceux qui ne sont pas habitués à ce genre de comédies dites noires, habituellement désopilantes et éclatées. Pour les autres, on s’ennuiera un peu durant cette oeuvre frôlant inutilement les deux heures en repensant au potentiel jamais vraiment atteint et à tous les films semblables qui ont mieux réussi.
4/10
Un ours dans le Jura est présenté à nouveau en présence de Frank Dubosc le dimanche 17 novembre à Cinémania le Festival de films francophones. Il doit sortir en salles via TVA Films le 10 janvier prochain.