Il est minuit passé depuis quelques minutes, déjà, et des larmes s’écoulent doucement sur les joues de ce journaliste. Dans ses oreilles, les notes cristallines des chansons de l’artiste multidisciplinaire Viviane Audet, qui présentait récemment son troisième album, Les nuits avancent comme des camions blindés sur les filles.
Nom étrange pour un disque, peut-être. Nom étrange pour un titre de chanson, sans doute. Mais nom pertinent, nom percutant (sans mauvais jeu de mots). Percutant, d’ailleurs, est un terme bien choisi, à l’instar de ce disque, ces 10 pistes qui explorent un univers de douceur, oui, mais surtout de mélancolie, de tristesse, de douleur contenue.
À l’instar du regard de l’artiste sur sa photo de presse accompagnant l’album, en ligne, cet album est une invitation discrète à découvrir ce noeud brûlant, ce coeur à la fois battant et meurtri, ce monde écorché vif que l’on souhaite réparer tant bien que mal.
Prends ma main; on peut se perdre, c’est pas loin, chante Mme Audet sur la pièce Tu peux tomber. C’est cette simplicité qui nous enveloppe, qui nous cajole. Mais cette caresse musicale cache forcément quelque chose qui a fait mal; l’album n’est pas un disque d’amour. Ou peut-être un disque sur un amour perdu, sur un deuil qu’il est nécessaire de faire? Un deuil dont chaque morceau intercalaire Anthèse représente le début d’une nouvelle phase?
Point de déni ou de colère ici, pourtant; le mélomane se laisse emporter par les magnifiques mélodies, les paroles qui vont droit au coeur. Et le journaliste, lui, se prend à imaginer une pluie qui tombe à l’extérieur, tandis que dans la pièce un peu humide, devant un feu qui meurt peu à peu, deux individus, anciens amants ou amoureux éprouvés, finissent chacun par tendre la main vers l’autre, histoire que leurs doigts s’enlacent. Peut-être pour la dernière fois, ou pour renouer la flamme, impossible de le savoir.
Tu flétriras… tu flétriras, entend-on encore sur ce magnifique album, cette fois sur la première pièce, La botanique. Signe annonciateur d’un amour qui se termine? Porte entrouverte sur cette douloureuse beauté qui nous prendra aux tripes et ouvrira nos canaux lacrymaux?
Il aurait été possible de classer cet album avec toutes les autres propositions pop provenant de la sphère musicale québécoise – et elles sont nombreuses. Mais agir de la sorte aurait été une grave erreur: ce nouveau disque de Viviane Audet est non seulement douloureusement beau, il est incontournable.