Mettant en vedette un vieux cowboy se lançant dans la toute dernière aventure de sa vie, la bande dessinée Ghost Kid de Tiburce Oger est un grand western, qui n’a rien à envier aux classiques du genre.
1896, Dakota du Nord. Il y a déjà quarante ans qu’Ambrosius Morgan « parle aux chevaux », mais aujourd’hui, les clôtures de fil barbelé et le transport du bétail par train ont pratiquement mis fin à son métier de vacher. Surnommé « Old Spur » par ses amis, il travaille au Double R, où il entretient une relation amoureuse avec sa patronne, mais les affaires sont loin d’être bonnes durant cet hiver si glacial que les bêtes meurent gelées, et le ranch est sur le point d’être racheté pour une bouchée de pain par un certain Dougherty, un homme d’affaires véreux s’enrichissant sur la misère des éleveurs de la région. Un beau jour, Ambrosius reçoit une lettre d’Anna Saint James, avec qui il a eu une brève aventure il y a vingt-deux ans. Cette dernière lui apprend qu’il est le père de Liza Jane Curtis, et lui demande son aide pour retrouver la jeune femme, disparue sur les rives du Rio Gila, à la frontière mexicaine, alors qu’elle convolait en justes noces avec son mari. Malgré ses rhumatismes, le vieux cowboy sellera de nouveau son canasson et reprendra la route, dans l’espoir de secourir sa fille, qu’il n’a jamais connue.
On assiste à une renaissance du western dans la bande dessinée depuis quelque temps: Undertaker, Wild West, même Blueberry reprend du service. Il n’est pas évident de se distinguer dans ces circonstances, mais c’est pourtant ce que réussit à faire Tiburce Oger avec son Ghost Kid, tout d’abord en situant l’intrigue six ans après la fin de l’ère du Far Ouest, alors que la frontière est officiellement close et que le territoire américain est entièrement colonisé, mais aussi en prenant pour héros un vieux cowboy qui découvre soudainement qu’il n’est pas aussi solitaire qu’il le croyait. Homme d’une époque désormais révolue, Ambrosius tentera d’éviter le plus possible cette civilisation au sein de laquelle il ne trouve pas sa place, ce qui n’empêchera pas de multiples rebondissements de survenir tout au long de ce voyage de plusieurs mois, qui le mènera du Dakota du Nord au Mexique en passant par le Nebraska et l’Arizona. Il sera d’ailleurs accompagné durant une partie de son périple par un jeune Amérindien « aussi bavard qu’une carpe clouée sur une porte de prison » qu’il considère comme un fantôme, d’où le titre de l’album.
Avec ses illustrations touffues, Tiburce Oger insuffle à chacune de ses cases une impression de mouvement, et il dessine les étalons avec la grâce et l’élégance d’un homme qui les a souvent côtoyés. En effet, son père était éleveur de chevaux, et il a passé son enfance « les fesses vissées sur une selle ». Dans un style graphique très personnel, il revisite les clichés du genre à sa façon : fusillades dans des saloons enfumés, vautours rôdant au-dessus des cadavres dans le désert, despérados sans foi ni loi terrorisant les petites villes, bordels mexicains. Il prend régulièrement une pleine page pour mettre en valeur la richesse visuelle de ses panoramas, et en plus de ses cieux éclatants peints à l’aquarelle, il signe également de splendides paysages enneigés, qui transmettent à merveille la luminosité, le froid, et le côté moelleux de la neige. Une édition en noir et blanc de Ghost Kid est aussi disponible, mais on serait fou de se priver d’une coloration aussi somptueuse que celle qu’on retrouve dans cet album.
Après La Piste des Ombres et Buffalo Runner, Tiburce Oger renoue avec son thème de prédilection et prouve qu’il est un maître du western avec Ghost Kid, une bande dessinée au scénario et à l’ambiance dignes d’un film des frères Coen.
Ghost Kid, de Tiburce Oger. Publié aux éditions Grand Angle, 80 pages.
Une longue (et sanglante) traversée du désert pour The Shaolin Cowboy
Un commentaire
Merci beaucoup pour cet article 😉