J’ai rencontré Cédric Delorme Bouchard à moins d’une semaine du coup d’envoi de Lamelles, sa première mise en scène, à l’Usine C. Le connaissez-vous? Peu de noms de jeunes concepteurs auront fait tant d’échos. C’est que le diplômé de l’UQAM en scénographie a participé à de nombreux projets, des œuvres d’envergure et des projets marginaux, et que sa signature a récolté les éloges des créateurs et des critiques.
Concepteur de talent, collaborateur aux œuvres d’Angela Konrad, de Florent Siaud, de Philippe Cyr (bientôt aux écuries), pour ne nommer que ceux-ci… En quatre ans, Cédric a illuminé presque toutes les scènes de Montréal. Pour lui, c’est un « retour à la maison » que de venir habiter l’Usine C où il a souvent travaillé. Il y débarque avec cette reprise de la pièce qu’il présentait l’an passé, au terme de la création de son mémoire de maitrise.
Le choix de l’engagement à la maîtrise en conception d’éclairages lui donnait l’occasion d’explorer le terrain de jeu qu’il rêvait de visiter depuis son entrée aux études supérieures: la mise en scène.
Le jeune créateur choisit ses collaborations en vue de se nourrir, de se donner le droit d’explorer et de continuer de se développer. La mise en scène de Lamelles lui aura donné des armes qu’il se fait un plaisir de rendre aux metteurs en scène avec qui il continue de travailler. « Pour moi, ce n’est pas séparé de mon travail de concepteur, non c’est la poursuite de ça. C’est l’occasion d’amener ma réflexion plus loin, ce que je développe de spectacle en spectacle. »
Le passage de la conception d’éclairages à cette première maitrise d’œuvre s’est fait avec facilité pour le jeune créateur. Celui-ci a l’impression de continuer avec les mêmes outils, alors qu’il conceptualise une œuvre qui relève de la spatialisation des corps. Après avoir choisi avec soin une équipe où il se sent en confiance, Cédric dit avoir réalisé comme la conception se rapproche de la mise en scène, dans l’optique où « comme concepteur on oriente aussi ce que le spectateur va percevoir. » Cette fois, par contre, il a tous les choix entre les mains, ce qui l’a emmené dans un travail qu’il considère comme étant d’autant plus personnel.
La genèse de Lamelles, ce sont les lectures de théoriciens de l’espace, l’intérêt pour les notions d’architecture qui lui semblent correspondre à sa propre exploration. « Je dessine des espaces. Pour moi c’est de l’architecture que de concevoir des éclairages pour des spectacles vivants. »
L’idée de « seuil-limite » lui a fait imaginer ce mur de lumière, premier jalon posé du travail qui l’attendait. Pour explorer les thèmes liant l’intérieur et l’extérieur, le public et le privé, le rapport à l’Autre, il savait qu’il voulait une équipe de performeurs de différents horizons (acteurs, danseurs, mimes) et de morphologies contrastées. Cette rencontre entre corps et lumière se fait beaucoup plus viscérale qu’intellectuelle. Le titre « Lamelles » nous rappelle à la dissection que propose cette scénographie radicale. Une œuvre dans la chair qui révèle la lumière, mais aussi (souvent) des corps qui sont révélés, de l’absorption du public dans cette unique tranche de scène disponible à la vue.
Cédric a rassemblé autour de lui une équipe de concepteurs et d’interprètes généreux. Le travail d’exploration en improvisation, d’abord au service du dispositif scénique, lui permettait de découvrir le panorama des corps, des mouvements, des peaux qui réagissent à la lumière et de développer une grammaire corporelle. Celle-ci a été le berceau des thèmes de la deuxième phase du travail. À cela s’est superposée la création de l’univers sonore, extrêmement présent, que signe Simon Gauthier.
Ce que Lamelles donne à voir est parfois méditatif, le corps magnifié sous le microscope, un morceau à la fois, puis dans son tout, puis dans la rencontre de l’autre. Aussi, cette autre rencontre, celle entre la lumière et les sept corps, a été grandement servie par Camille Lacelle-Wilsey, qui a accompagné Cédric dans les choix chorégraphiques.
Lamelles débute ce mercredi, le o2 mai. Pour lui, cette première création (qui ne sera assurément pas la dernière) aura été une occasion d’emmener plus loin sa réflexion sur la lumière, mais aussi de se lancer dans une nouvelle phase de sa vie créative.
Cédric Delorme Bouchard est un nom que vous connaissez, maintenant. Ne pensez pas l’oublier de si tôt. Que ce soit comme concepteur dans les œuvres des metteurs en scène qui l’inspirent ou comme créateur de paysages scéniques et d’oeuvres originales, sa carrière ne fait que commencer.
Les semaines de représentations sont courtes, à l’Usine C, et le tout s’est rempli rapidement! Mais rassurez-vous… J’ai entendu entre les branches qu’une supplémentaire était lancée aujourd’hui, pour le samedi 5 mai à 16 heures! Hâtez-vous.