Vendredi soir dernier, au Théâtre Prospero, avait lieu une des représentations de la pièce de Fabrice Melquiot, Le poisson combattant. Cette production de la Compagnie du passage (Suisse) est présentée par le Groupe de la Veillée et met en vedette un seul comédien, Robert Bouvier. Elle est à l’affiche jusqu’au 17 mars.
Je ne connaissais pas encore Robert Bouvier, mais, après avoir pris connaissance de sa feuille de route, mes attentes étaient élevées. Interprétation au théâtre et au cinéma (Tanner, Rainais et Brault, entre autres), mise en scène au théâtre et à l’opéra ainsi que direction artistique résument son parcours.
On se retrouve face, ou plutôt face-à-face avec un homme qui, à l’occasion de la mort de son couple et de celle du poisson combattant de sa fille, entame un long périple intérieur vers ses origines. Mais d’abord, pour bien conclure et sceller la mort de sa vie de famille, le protagoniste s’adresse, en un long monologue, à son ancienne flamme, mère de se seule progéniture. Ce passage est particulièrement intéressant en ce qu’il présente le deuil du couple, d’un point de vue masculin bien différent de ce qu’on a pu voir sur d’autres scènes, dans les livres ou sur les écrans. C’est trop vrai, trop réaliste pour ne pas atteindre son spectateur un peu blasé des représentations convenues de la détresse des êtres qui se séparent, à bout d’amour. « À quoi bon », c’est ainsi qu’il dénomme son ex, sa déconvenue. Original.
Après cet exutoire, sa quête ira un peu dans tous les sens, mais toujours plus loin. Les mots qui, au début, faisaient plutôt partie d’un jeu, prennent du sérieux et deviennent poésie pure, poésie forte, mais toujours poésie accessible. Bouvier bouge beaucoup, garde le rythme sans nous étourdir, se glisse dans la mise en scène comme s’il l’avait écrite lui-même. Son expérience est palpable, ses yeux sont expressifs et inquisiteurs, sa voix a autant de mystère et de charme que celle d’un Philippe Noiret ou Mathieu Amalric. C’est vous dire!
À la fin, sans prévenir, le comédien brise le 4e mur, sans violence, mais avec insistance. Les spectateurs des premiers rangs ont eu le privilège de tenter de soutenir son regard. Ceux qui l’ont pu en resteront marqués pour quelque temps.
C’est un spectacle à voir, un spectacle à sentir.
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