Nouvelle tradition du temps des fêtes et machine à sous incontestable de Disney, nous revoici avec un nouvel épisode de Star Wars qui est prêt à tout pour satisfaire les innombrables fans de la série.
Ceux-ci sont, après tout, souvent reconnus pour être les plus difficiles et pointilleux dans leur catégorie. Avec un cinéaste comme le visionnaire et méticuleux Rian Johnson aux commandes, on a envie de leur dire qu’ils peuvent certainement se rassurer; le projet est réalisé avec beaucoup de soin, à défaut de manquer de ce je-ne-sais-quoi qui ferait pétiller le regard.
Un peu comme il l’avait fait avec Star Trek, J.J. Abrams a eu la lourde de tâche de faire revivre la franchise en essayant d’unir autant les fans de la veille que les nouveaux venus. S’il a été critiqué pour de nombreuses raisons, son The Force Awakens avait néanmoins la force de faire battre nos cœurs d’enfants, avides d’aventures intergalactiques, de créatures, de robots et, surtout, d’étoiles.
Quarante ans après le premier opus qui a chaviré tout le septième art, Rian Johnson reprend le flambeau et, décidément, il a la franchise à cœur. Certes, après le choc de la nostalgie, on a faussement cru faire un pas en avant en adoptant un ton fataliste inutilement sombre avec le surestimé Rogue One, évoquant tout ce qui va mal dans l’univers cinématographique de DC.
Ici, toutefois, Johnson offre son film le plus libre et léger en carrière, transformant son art en une véritable lettre d’amour. Esthète évident, avec des œuvres comme Brick et plusieurs des meilleurs épisodes de la télésérie Breaking Bad sous la ceinture, il s’est fait plaisir avec The Brothers Bloom et a continué de pasticher ses genres favoris avec le génial Looper.
Revenir aux sources
Cinq ans plus tard, il renoue avec la science-fiction et, par miracle, retrouve finalement presque toute l’essence et l’esprit qui faisaient la réussite tant appréciée des opus de la trilogie originale, ce qu’on ne croyait plus jamais retrouver depuis la controversée prétrilogie de George Lucas.
Que ce soit dans l’esthétique, dans les effets spéciaux, dans les transitions, dans le ton souvent décalé, dans l’humour à la fois douteux et enfantin, dans les dialogues, bref, dans la conception même du volet, on trouve finalement un épisode digne de pouvoir prétendre être en continuité directe avec les épisodes IV, V et VI. Johnson a après tout écrit lui-même le scénario et a veillé à la majorité des étapes, retrouvant autant un directeur photo, Steve Yedlin, qu’un monteur, Bob Ducsay, avec qui il avait travaillé précédemment.
Quant aux amateurs de créatures, ceux-ci seront ravis, puisqu’elles sont nombreuses et souvent fort rassembleuses, voire même régulièrement adorables. Rien de la trempe des Ewoks ou de Jar Jar Binks, fort heureusement. Et s’il y a bien des références pour satisfaire tout le monde, on ne voudrait pas vous vendre les nombreuses mèches, sauf qu’il faut néanmoins mentionner ce qui cloche dans l’épisode VIII.
Certes, l’enthousiasme est évident pour tous ceux devant et derrière la caméra, et il est difficile de ne pas désirer plus que tout manifester sa satisfaction, tellement le talent ne manque pas.
Même les éléments qui semblaient clocher auparavant ont repris du tonus, que ce soit l’interprétation de l’habituellement talentueux Adam Driver, ou les indices de révélations à venir qui semblaient déjà nous faire grincer des dents; celles-ci prennent du recul, alors que l’on a droit à de nouveaux questionnements.
Longueurs
Pourtant, autant le dire tout de suite, 152 minutes, c’est diablement long, et on ose à peine imaginer ce que les 180 minutes initiales donnaient comme rythme, tellement le temps semble s’étirer inutilement ici.
Difficile de s’expliquer comment et pourquoi ça ne semble jamais véritablement lever, puisque la réalisation de Johnson a décidément du panache; les scènes d’action sont enlevantes; les revirements ne manquent pas; les acteurs ont une belle chimie, et il y a tout ici pour en faire un blockbuster spectaculaire de qualité.
Toutefois, sans la dynamique unique de Han Solo, la franchise bat énormément de l’aile et on réalise plus que jamais que la présence d’Harrison Ford ne peut se faire remplacer par rien au monde.
De plus, en se tournant vers l’avenir et en laissant toute la place ou presque à la relève, cela nous fait également admettre qu’on s’intéresse beaucoup moins aux destins de ces nouveaux personnages qu’à ceux d’autrefois, qui n’ont plus grand-chose à dire mis à part aider les nouveaux protagonistes à se rendre du point A au point B.
Pire encore, les va-et-vient narratifs trop nombreux brisent continuellement le rythme, et on tente à nouveau de créer de nouvelles associations de personnages qui ne sont pas aussi efficaces que d’autres vus par le passé.
Ainsi, si plusieurs interprètes ont de la fougue, ce n’est pas suffisant, et on attendait certainement plus d’Oscar Isaac et surtout de Laura Dern, finalement très accessoire. Au moins, on passe plus de temps à ridiculiser Domhnall Gleeson au lieu de le glorifier inutilement.
Un certain manque
Disons également que le tout ne s’améliore pas quand on donne envie d’approfondir les réflexions politiques et de multiplier les prises de conscience sociale, tout en ajoutant des tours de passe-passe risibles et des raccourcis scénaristiques qui font lever les yeux au ciel.
Il manque alors cet élan scénaristique béton, histoire de conférer au film une vraie dimension littéraire, tragique, grecque ou même shakespearienne comme on l’a vu par le passé, alors que les tentatives de développer à nouveau le sujet de la séduction du pouvoir et de la dualité entre ce qui est bon et mauvais n’a certainement pas la même fraîcheur.
Reste alors un produit bien fignolé et très agréable pour les sens et surtout le regard. Dommage qu’on en ressorte blasé et un brin ennuyé, un peu trahi dans notre désir d’émerveillement qui n’a jamais trouvé son sens.
Comme quoi le doute est partout dans ce long-métrage, traversant tous les personnages un à un et, du coup, les spectateurs aussi, incapables d’expliquer entièrement pourquoi malgré tout ce qui fonctionne, The Last Jedi n’atteint pas les sommets souhaités.
6/10
Star Wars: The Last Jedi prend l’affiche en salles ce vendredi 15 décembre.
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