De très beaux décors très élaborés avec projections vidéo, de très beaux costumes, une très belle mise en scène, beaucoup d’artistes – dont trois musiciennes –, des chœurs dans la tradition grecque antique, de belles chansons, bien interprétées, mais pas de récit qui tienne. Lysis est ainsi une lointaine adaptation d’une pièce d’Aristophane qui laisse sur sa faim.
La scénographie est toujours grandiose au TNM. Mais dans cette pièce mise en scène par Lorraine Pintal, il manque selon moi l’essentiel, malheureusement, ce qui permettrait de s’identifier aux personnages, de ressentir leurs émotions, de se projeter dans une séquence de leur vie et de se mettre à leur place pour mieux pénétrer la manière dont ils ont résolu leur problème.
Dans Lysis, un groupe de femmes activistes décide, sous la houlette de leur meneuse, de faire la grève de la natalité. La raison? Lysis a un bon poste dans un laboratoire pharmaceutique qui produit un médicament dont l’effet secondaire sur les femmes est de détériorer leur santé mentale. C’est un réel scandale, mais on n’est pas tout à fait sûrs que ce soit la cause de la mobilisation du groupe. Car Lysis, durant l’enfance, a failli se faire violer par son professeur de physique. Depuis, la femme a fait de bonnes études et vit avec un homme qui l’aime et qu’elle aime. On peut dire qu’elle a assez bien réussi sa vie.
Toujours est-il que cette idée de la grève de la natalité est jugée lumineuse par le groupe. Comme si les femmes étaient obligées d’enfanter et que les deux motifs présentés dans la pièce pouvaient suffire à dicter leur choix de procréation à toute une population.
Mais sur scène, donc, l’idée fait son chemin apparemment. La population entière (féminine et masculine? Ça n’est pas clair) se mobilise, signe des pétitions et descend dans la rue, à tel point que le gouvernement est poussé à émettre une loi spéciale pour mettre fin aux manifestations… Cette loi spéciale pourra-t-elle aussi contraindre les femmes à engendrer? Ça n’est pas clair, cela non plus.
L’impression qui ressort, c’est uniquement l’envie pour certains de descendre dans la rue et d’aller manifester leur mal-être. Comme si autrui (de préférence les hommes blancs qui ont du pouvoir et de l’argent) en était forcément la cause et qu’en faisant pression sur lui, justice serait rendue. Cela reflète peut-être quelque chose de notre époque. Mais je ne suis pas certaine, non plus, que ce soit le message que les autrices ont voulu faire passer dans cette pièce encore une fois très réussie sur les plans de la distribution et de la scénographie, mais dont on se demande pourquoi tant de moyens ont été déployés.
Lysis
Production TNM
Création : Fanny Britt et Alexia Bürger
Mise en scène : Lorraine Pintal
Avec : Annick Beauvais, Bénédicte Décary, Jacques L’Heureux, Widemir Normil, Jean-Philippe Perras, Philippe Racine, Steve Gagnon, Nadine Jean, Chloé Lacasse, Salomé Leclerc, Olivia Palacci, Brigitte Paquette, Pier Paquette, Dominique Rustam, Sally Sakho, Isabelle Vincent, Cynthia Wu-Maheux
Du 7 mai au 1er juin 2024 au Théâtre du Nouveau Monde, à Montréal