Se rappellera-t-on du 6 janvier 2025, jour de l’assermentation du prochain président des États-Unis (ou de la présidente), comme du début d’une nouvelle guerre civile? À moins de trois mois de l’élection, les réalisateur Toby Gerber et Jesse Moss posent la question dans War Game, une docufiction qui évoque ce scénario catastrophique.
À la base, un war game est une simulation d’une situation, politique ou non, qui réunit plusieurs participants, généralement sous la forme d’un dirigeant aux commandes d’une équipe dont la taille peut varier. De l’autre côté de cette « cellule bleue », qui représente les « gentils », on trouve la « cellule rouge », soit « les méchants ».
Dans le contexte du film, qui a fait ses débuts au festival Sundance, plus tôt cette année, avant de prendre l’affiche plus largement au début du mois, nous avons donc un président américain nouvellement réélu, mais dont la victoire se mesure en dixièmes de points de pourcentage. Face à lui, son opposant crie à la fraude, pendant qu’un groupe paramilitaire bien organisé, The Order of Columbus, est en tête d’une émeute en cours au Capitole pour faire cesser la certification de l’élection.
Si les cinéphiles minimalement au courant de la politique américaine ont un sentiment de déjà vu, c’est que War Game, qui est un véritable exercice de simulation politique se déroulant sur une période de six heures, quelque part à Washington, s’appuie sur l’émeute du 6 janvier 2021 pour élaborer un plan encore plus inquiétant.
Ledit plan, sans donner trop de détails, implique des membres de l’armée américaine décidant de se ranger sous les drapeaux de cet Order of Columbus. Que se passe-t-il si l’armée, l’outil de dernier recours pour rétablir l’ordre et éviter une guerre civile, est elle-même divisée entre soldats partisans et membres de l’armée repesctant l’engagement constitutionnel envers le pouvoir politique?
Sur papier, la chose peut évoquer un vaste jeu de rôle où il n’est pas question de dragons et de trésors, mais plutôt de la préservation de la démocratie américaine.
À l’écran, toutefois, on comprend rapidement qu’une bonne partie du documentaire, du film – peu importe comment l’on souhaite le caractériser – est consacrée à des témoignages d’experts et de spécialistes possédant des informations privilégiées à propos des risques d’extrémisme, dans l’armée, ou encore à propos des limites des pouvoirs constitutionnels du président, par exemple.
Et autant il peut être intéressant d’en apprendre davantage sur ces questions, autant une personne raisonnablement bien informée sur l’actualité et la politique américaines se dira qu’elle n’y trouve pas grand-chose de neuf. D’autant plus qu’on ne nous offre que peu de détails. Ah, l’armée est infiltrée par des extrémistes? Où sont les statistiques? Où sont les déclarations des généraux, ou encore du département de la Défense?
Autre aspect un peu étrange, si l’on enfile des gants blancs pour affirmer que la simulation est un exercice non partisan, les références à Donald Trump, aux républicains et aux milices qui sont situées à l’extrême droite de l’échiquier politique sont partout. A-t-on déjà entendu parler de paramilitaires de gauche votant pour Joe Biden ou Kamala Harris, et qui s’engagent à tenter de renverser le pouvoir s’ils ne gagnent pas leur élection, en novembre? De qui a-t-on peur, ici?
Enfin, il se déroule finalement bien peu de choses, dans cette simulation; tant qu’à examiner des scénarios probables, pourquoi ne pas pousser le tout plus loin, et vraiment plonger dans l’inconnu? On évoque déjà des militaires s’emparant d’au moins une base de l’armée, et des miliciens kidnappant des élus dans un État. Pourquoi ne pas parler des risques pour les bases nucléaires? Pourquoi ne pas amener le président à déclarer la loi martiale?
War Game est intéressant, en plus de nous rappeler que nos voisins du Sud, avec leurs profondes divisions politiques, ne sont pas à l’abri de nouveaux débordements. Mais ceux qui s’y plongeront pour y trouver une simulation stressante et enlevante du début à la fin seront malheureusement déçus.