Décris (trop) souvent comme le Saint Messie du septième art pour des pétards mouillés, voilà qu’avec Oppenheimer, Christopher Nolan nous revient finalement dans une forme qui fait plaisir à voir. Sans pour autant délaisser la prétention qui semble être la base de ses créations – son sujet est ici littéralement ces hommes qui ont voulu se croire plus fort que Dieu –, il propose à nouveau une oeuvre qui ne risque certainement pas de plaire à tout le monde. Et pour une fois, tant mieux!
Oublions la science-fiction, l’espace et les superhéros, voilà que Christopher Nolan, pour sa quatrième création en solo (adaptée toutefois ici d’un roman) s’intéresse au passé concret et à ses horreurs, comme il l’avait fait avec Dunkirk. Une part d’espoir en moins, voilà qu’il médite sur un point tournant de notre histoire: la création de la bombe atomique.
Comme ancrage: son créateur lui-même. Pour l’interpréter? Voilà qu’après plusieurs films à valser à ses côtés, qu’il peut enfin offrir la tête d’affiche au brillant Cillian Murphy.
Au-delà du synopsis toutefois, le film ne va pas vraiment plus loin et n’approfondit pas nécessairement non plus le concept. Il y a les regrets, la course à la création, les clins d’oeil historiques et tout ce qui s’ensuit, mais rien ici pour donner une leçon de physique ou même un cours d’histoire puisque comme d’habitude, voilà que Nolan s’intéresse d’abord et avant tout à l’expérience.
De ce fait, Oppenheimer est un film où l’on ne comprend décidément pas tout (pourquoi le noir et blanc?), mais qui n’est pourtant jamais ennuyant. D’ailleurs, on s’inquiète un peu pour ceux qui ont trouvé complexe Interstellar ou même Tenet.. Les fans de Nolan pour son action mangeront aussi peut-être leurs bas puisqu’il s’agit certainement de son film le plus verbeux en carrière et pour une fois, par pour surexpliquer ou livrer de lourdes scènes d’exposition. Au contraire, un long, très long long-métrage (trois heures!) qui tente de rendre palpitant ce qui ne l’est peut-être pas tant que ça.
Pour l’audace technique, on repense un peu au moment où Eastwood nous avait fait le pari risqué, mais gagné, de Sully.
Sauf qu’ici, l’assurance de Nolan semble constamment reprise par des craintes, de graves craintes. Ainsi, ses signatures habituelles sont beaucoup moins présentes et on le voit s’essayer et s’égarer beaucoup, s’essayant tour à tour à la poésie de Malick ou même à la rythmique des dialogues de Sorkin. Ce qui est loin d’être désagréable, mais pas toujours justifiable.
Pire, pour quelqu’un qui ne jure que par le septième art, on sent décidément qu’il aurait aisément pu étirer le tout en minisérie, tellement le sujet est dense et que son terrain à couvrir semble trop large pour ses moyens, le montage étant serré (par moment ça en devient presque étourdissant tellement on a l’impressionner qu’on a resserré encore et encore un film qui faisait probablement le double, si ce n’est le triple de sa durée) et régulièrement précipité.
D’autant plus que face à la sévérité du sujet, on le voit s’essayer à de rares reprises à l’humour (quelque chose qu’il n’a jamais vraiment bien maîtrisé) et de ne même pas se donner la peine de vulgariser son sujet, mais seulement de le résumer de façon brouillon, juste pour qu’on aie une idée du principe, plus que du concret. Un peu comme si son film était d’abord fait pour le personnage de Matt Damon, plutôt que ceux qui sont plus importants.
Ensuite, s’il a beau avoir délaissé Batman, on a la bizarre impression qu’il a bâti cette imposante et impressionnante opération militaire comme s’il s’agissait d’un film des Avengers, alors que se côtoient une multitude de visages connus, même dans les rôles les plus anodins.
On comprendra donc qu’on avait évidemment beaucoup d’attentes envers ce Oppenheimer, considérant que comme toujours, on ne savait pas ce qui se dévoilerait sous nos yeux.
On appréciera néanmoins que l’oeuvre livre la marchandise et qu’elle fascine, parce qu’il y a des risques qui sont pris. Notons que plusieurs acteurs ont évidemment encore le pouvoir de briller : Emily Blunt finit par exemple par bien s’en sortir, même s’il y a encore du travail à faire auprès de ses personnages féminins comme Florence Pugh peut en témoigner.
Certes, l’émotion passe difficilement et on si l’on comprend qu’on a voulu laissé les horreurs du côté de l’imaginaire, on ne ressent jamais assez le poids que doit porter le protagoniste, n’en déplaise à plusieurs tours de passe-passe techniques qui sont bien pensés.
Et sur le plan de la beauté elle-même, Nolan s’approprie les images du collaborateur d’hier Hoyte Van Hoytema et les compositions du collaborateur d’aujourd’hui Ludwig Göransson, un travail qui continue d’apporter son vent de fraîcheur après toutes ces années avec Hans Zimmer.
Oppenheimer restera donc une expérience purement cinématographique et régulièrement captivante qui donnera envie de se replonger dans l’histoire, pour bien en comprendre tous les enjeux.
À noter que bien que le film a été tourné grâce à des caméras IMAX, la projection qui a servi pour ce texte fut celle en format 70mm. Une expérience valable pour la qualité de ses couleurs distinctes à la pellicule.
8/10
Oppenheimer prend l’affiche en salle ce vendredi 21 juillet.