Qu’on ne pense plus jamais qu’un spectacle de marionnettes, d’une part, n’est destiné qu’à des enfants, et que, d’autre part, celui-ci présente forcément des figurines minuscules dans un théâtre de taille réduite.
Pour ceux qui en sont encore à cette vision de cet art théâtral tellement riche, qu’ils se rendent à la représentation de Moby Dick au théâtre Outremont, ils seront non seulement démentis, mais subjugués par l’émotion, la créativité, la possibilité de rêver et de s’évader dans un monde totalement autre, grâce – entre autres choses – à des artefacts qui sont des œuvres d’art en soi.
Pour seulement deux soirs, dans le cadre de Casteliers, la compagnie franco-norvégienne Plexus Polaire propose au public montréalais une représentation absolument magique du chef-d’œuvre d’Herman Melville Moby Dick.
Et le chef-d’œuvre est renouvelé par la mise en scène, les décors, les projections vidéo, les trois musiciens sur scène, les sept marionnettistes et la cinquantaine de marionnettes, au moins aussi grandes que nature, et toutes plus extraordinaires les unes que les autres.
Un seul acteur humain interprète le personnage d’Ismaël, à la fois narrateur de l’histoire et participant à la grande aventure de la chasse à la baleine blanche. Il s’exprime en français, mais les autres dialogues sont en anglais avec des surtitres très faciles à suivre. Et c’est tout l’univers romanesque de l’histoire qui est magnifiquement interprété pour donner à admirer, à entendre et à ressentir chacun de ses moments forts avec. en toile de fond, la richesse et la philosophie de son texte.
C’est vraiment éblouissant.
Le spectateur est transporté sur la mer entre le ciel étoilé où volent quelques oiseaux et les abysses peuplés de créatures inquiétantes. On n’est ni mort ni vivant sur la mer, explique le narrateur. Et c’est cet état intermédiaire, entre le rêve et la veille, qui est présenté à l’aide de toute une mise en scène finement réglée, des décors qui se métamorphosent, des personnages à la fois inquiétants et terriblement attachants et bien sûr cette baleine gigantesque qui passe sereinement, clignant son minuscule œil tranquille, tandis que les hommes se livrent à un combat perdu d’avance.
Moby Dick a déjà été représenté au théâtre, et souvent de manière grandiose. Mais ici, avec le soin qui est donné à chaque détail et en particulier à tous les personnages qui peuplent le navire et qui ne sont que des êtres de bois et de chiffons, il semble que l’émotion soit amplifiée et démultipliée. Sur ce navire entre la vie et la mort, les superbes marionnettes subtilement animées semblent donner encore plus à penser sur le destin d’une quête humaine à la fois folle et impossible, telle que celle de Moby Dick, la baleine blanche.
Un seul regret : que le spectacle ne soit proposé que pour deux soirs à Montréal…
Moby Dick (Plexus Polaire, 2020), les 1er et 2 décembre 2022 au théâtre Outremont, à Montréal