Le Russe Mikhaïl Boulgakov, d’abord médecin puis écrivain à partir des années 1920, subit comme bien d’autres la censure du régime communiste. Son Roman de monsieur de Molière ne fut publié de manière intégrale qu’en 1989, à la chute de l’empire soviétique. C’est cette biographie romancée que le TNM a décidé de monter à travers une pièce de théâtre qui place sur la même scène, non seulement Molière et les personnes qui sillonnèrent son existence mais aussi Boulgakov comme narrateur de la vie du dramaturge français.
Molière, sa vie son œuvre… un peu comme toute biographie, c’est ce que se propose de présenter le Roman de monsieur de Molière. La proposition qui consiste à donner le rôle de narrateur à l’auteur du livre dont se sont servis Louis-Dumont Lavigne pour son adaptation et Lorraine Pintal pour sa mise en scène, se veut une mise en abime d’une lutte pour la liberté de penser que les deux hommes – l’auteur et son sujet – ont été obligés d’affronter.
Soit! Cela apparaît-il vraiment au-delà des commentaires didactiques qui l’expriment dans la pièce? je n’en suis pas sûre. Mais l’intention est là.
Autour de Molière, né sous le nom de Jean-Baptiste Poquelin, la pièce présente les personnages qu’il a pu côtoyer de sa naissance à sa mort. Sa famille d’abord, avec un père tapissier qui ne voyait pas d’un bon œil la vocation de son fils, jusqu’à son enterrement que l’Église aurait bien aimé éviter pour un dramaturge qui fustigea largement l’institution.
Ce sont donc toutes les grandes étapes de la vie de Molière qui défilent sous nos yeux sur scène, du nourrisson qu’il fut comme promesse d’un grand dramaturge, jusqu’à son décès et la ruse du roi Soleil pour lui offrir un enterrement décent. Entre-temps, ce sont sa carrière d’acteur attiré d’abord pour les tragédies, les rencontres avec d’autres hommes tels que Corneille, Racine, Scaramouche ou La fontaine, la constitution de sa troupe théâtrale et ses tournées; ses amours avec des femmes essentielles à sa carrière, dont celle qu’il épousa.
Des modules en forme de cubes de différentes tailles constituent l’essentiel du décor. Ils sont censés représenter les scènes de théâtre qui s’emboitent les unes dans les autres, de celle que tient en main Boulgakov à celle sur laquelle se déploient tous les acteurs. Excepté pour le rôle de Boulgakov, ceux-ci interprètent les différents personnages du XVIIe siècle que Molière rencontra dans sa vie, selon l’auteur de la biographie. Les costumes sont soignés et la mise en scène fait se mouvoir les acteurs ou s’exprimer en chœur selon certaines chorégraphies intéressantes. Une musicienne ajoute le chant à son jeu au violoncelle.
Je ne suis pourtant pas ressortie convaincue par la proposition. Il ne m’a pas semblé apprendre grand-chose de nouveau sur Molière ni sur la liberté de penser. Dans mon esprit, Molière est un auteur qui suscite le rire et celui-ci – mis à part quelques rares exceptions – n’est provoqué dans la pièce que par le jeu parfois grandiloquent des acteurs.
Peut-être la pièce a-t-elle besoin de se roder. Les acteurs sont irréprochables, pourtant. Je n’y ai pas ressenti la légèreté que j’y espérais, les bons mots et jusqu’à l’ironie qui atteint Molière lui-même. Réellement très malade à l’âge de 51 ans, n’est-ce pas quelques heures après la représentation de son Malade imaginaire qu’il disparut pour toujours de la scène?
Le roman de monsieur de Molière
D’après Mikhaïl Boulgakov
Adaptation libre de Louis-Dumont Lavigne
Mise en scène de Lorraine Pintal
Avec Simon Beaulé-Bulman, Jean-François Casabonne, Lundz Dantiste, Sébastien Dodge, Benoît Drouin-Germain, Karine Gonthier-Hyndman, Juliette Gosselin, Rachel Graton, Brigitte Lafleur, Jean Marchand, Jorane Pelletier, Éric Robidoux et Philippe Thibault-Denis
Le roman de monsieur de Molière, du 8 novembre au 3 décembre au TNM, à Montréal