Vania, Sonia, Macha… cela résonne comme des noms tout droits sortis des pièces de Tchekhov. C’est que les parents des trois protagonistes principaux de la pièce étaient un couple de professeurs amoureux de théâtre. Ils ont nommé leurs enfants en conséquence et leur ont peut-être insufflé du même coup quelque chose de la mélancolie de l’âme sombre du célèbre dramaturge.
Écrite par l’Américain Christopher Durang, Vania et Sonia et Macha et Spike, présentée au Théâtre du Rideau Vert, est en fait une comédie légère à l’humour noir, railleur et sarcastique.
Sonia est totalement dépressive, adoptée dans cette famille alors qu’elle avait 8 ans, et où elle ne s’est jamais sentie ni aimée ni regardée. Elle partage la maison familiale avec son frère Vania, qu’elle aurait voulu épouser, mais c’est un homosexuel désabusé qui cohabite avec elle par seul désœuvrement et non par choix. Les deux tuent leur temps à ne rien faire, comme on attend Godot, ou à se disputer… Et puis il y a Macha, la troisième de la famille, censée avoir réussi. Elle est maintenant une star de cinéma plutôt sur le retour, et garde dans son cœur l’échec de sa vie : elle n’a pas obtenu le rôle Macha, justement, dans Les trois sœurs de Tchekhov. C’est elle la propriétaire de la maison, qui entretient ce qui reste de la famille, puisque les parents sont morts après 15 ans de soins administrés par les deux autres.
Les rapports entre les trois sont désastreux, on l’imagine sans peine. Amour/haine, jalousie, aigreur, ressentiment… tout y passe non seulement dans les mots, mais aussi dans les gestes. D’autant qu’ils ont tous atteint l’âge avancé des bilans et qu’ils ne trouvent pas dans leurs vies la plus petite raison d’en être satisfaits.
Quand Macha débarque dans la maison avec Spike, un nouvel amant qui pourrait être son fils, c’est l’explosion des règlements de compte dans la fratrie, avec en toile de fond, les prophéties funestes de la femme de ménage, la bien nommée Cassandre, que bien sûr personne ne prend très au sérieux.
La pièce est drôle. On rit d’un bout à l’autre. Les événements se succèdent. Des personnages apparaissent, comme la jeune Nina qui rêve d’être actrice, et qui est sortie elle aussi du répertoire de Tchekhov. Les références ne sont pas seulement théâtrales, elles sont aussi télévisuelles et cinématographiques. Mais la structure de la pièce est toutefois étrange et un peu à rallonge. Du coup, on n’en retient que les répliques du tac au tac des protagonistes. Celles-ci, traduites dans un référentiel totalement québécois retiennent l’attention et sont très efficaces, mais on n’entre pas vraiment dans l’histoire ni dans le tragique des personnages.
La pièce est cependant très bien interprétée par les six acteurs sur scène. Parmi les personnages, ma préférence va à celui de Cassandre, mais tous les autres ont leur charme et leurs répliques amusantes. C’est un bon moment à passer au théâtre. Pas de grande thèse, mais de l’humour en cascade et c’est très agréable.
Vania et Sonia et Macha et Spike
Une pièce de Christopher Durang
Traduction : Maryse Warda
Mise en scène : Marc St-Martin
Avec Alex Bergeron, Roger La Rue, Sylvie Léonard, Nathalie Mallette, Joëlle Paré-Beaulieu et Rebecca Vachon
Vania et Sonia et Macha et Spike, du 3 mai au 4 juin 2022 au théâtre du Rideau Vert