Tatouine est une planète bizarre et pas très accueillante, sur laquelle on parvient avec sa vie bien ordinaire, mais où l’on finit par s’enfoncer comme dans des sables mouvants, des sables mouvants on ne peut plus émouvants pour ceux qui en sont les spectateurs.
Jean-Christophe Réhel est poète, auteur du livre Ce qu’on respire sur Tatouine qui a reçu le Prix littéraire des collégiens en 2019, un roman magnifiquement mis en scène par Olivier Arteau pour la petite scène du théâtre de La Licorne.
Dans ce presque monologue (une autre actrice, Stéfanelle Auger, lui donne par moments la réplique et offre avec le percussionniste Olivier Forest un fond sonore composé de toutes sortes de bruitages à la fois réalistes et extravagants), Marc-Antoine Marceau prend la voix d’un héros de la vie quotidienne, un jeune homme originaire de Repentigny qui, en plus d’écrire de la poésie, se cherche une blonde, un nouveau logement et des petits emplois, comme un peu tout le monde.
En quoi peut-on alors le qualifier de héros? C’est qu’il est atteint depuis toujours d’une maladie qui – au-delà des nombreux petits soucis de la vie de tout un chacun – l’avale de l’intérieur et occupe à la fois son esprit et son corps, mais dont les symptômes restent à jamais étrangers aux personnes qui croisent sa vie et son chemin.
Le personnage, totalement clairvoyant, se décrit sans rien dissimuler et avec une énorme dose d’autodérision. Sa vie est ce qu’elle est. Il n’y porte aucun jugement ni revendication.
On assiste ainsi à une sorte de discours phénoménologie de la maladie dont il est évidemment la victime innocente. Nul ne peut rien pour lui à part les nombreux médicaments qu’il embrasse comme s’ils étaient des êtres à aimer, lui qui est saturé d’amour et qui a tant de mal à partager. C’est que sa maladie dresse une barrière invisible et infranchissable entre ce qu’il vit et ressent et ce que les autres sont capables de recevoir et de comprendre.
La pièce n’est en rien larmoyante ou mélodramatique, bien au contraire. Le personnage est plein d’humour et d’intelligence. Il n’en veut à personne. Il vit ce qui lui est donné à vivre et s’en contente très bien.
Cela donne un récit extrêmement tendre et touchant, paradoxalement comique par moments, rempli de références aux thèmes qui intéressent sa génération. Car il est à la fois identique et différent des autres. Son esprit carbure à son destin particulier et à celui de ses pairs. Cela lui procure une lucidité bien spéciale qui nous renvoie, nous spectateurs, à nos propres destins où, bien souvent, les petits maux occupent une place démesurée rapportée à ce qu’ils sont vraiment.
Ce qu’on respire sur Tatouine, du 21 au 31 mars, au théâtre La Licorne
Production Théâtre du Trident en codiffusion avec La Manufacture
Texte : Jean-Christophe Réhel
Mise en scène : Olivier Arteau
Avec : Stéfanelle Auger , Olivier Forest et Marc-Antoine Marceau
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