Baldur’s Gate III est le projet le plus ambitieux du studio Larian à ce jour, mais aussi la suite d’une des séries de RPG les plus emblématiques jamais conçues. Baldur’s Gate demeure une référence incontestable dans l’univers des CRPG médiéval-fantastiques, l’étalon selon lequel on aura mesuré la qualité d’un Pillars of Eternity, d’un Pathfinder: Kingmaker, d’un Dragon Age…ou encore d’un Divinity: Original Sin, le précédent projet de Larian. La question est donc évidente: Baldur’s Gate III est-il le digne héritier de cette célèbre franchise?
La capacité de Baldur’s Gate à aspirer le joueur dans son univers, notamment par une écriture hors pair, un récit intelligemment structuré et une bande sonore supérieure à la moyenne, n’a été imitée qu’avec un succès limité au cours des 20 dernières années. De bons jeux, oui; des chefs-d’oeuvre, pas vraiment.
Il est néanmoins inévitable d’aborder un certain Divinity: Original Sin II d’entrée de jeu, car son héritage est flagrant dans Baldur’s Gate III. Avec le même moteur graphique [bien que grandement amélioré], un système de combat au tour par tour, un groupe limité à 4 héros plutôt que 6 comme dans les précédents Baldur’s Gate, le legs est évident.
On retrouve aussi l’affection de Larian pour les effets environnementaux (à commencer par l’utilisation du feu pour faire exploser des barils d’huile relativement abondants ou pour détruire des toiles d’araignée, par exemple) et pour l’importance de la verticalité dans les combats.
Le choix d’un système de combat au tour par tour n’a d’ailleurs pas manqué de diviser les puristes de Baldur’s Gate, pour qui le système de combat en temps réel avec pause active – très réussi pour l’époque – a contribué au succès de la série. Force est toutefois de constater que Larian maîtrise très, très bien les principes tactiques de son système de combat. Chaque affrontement est unique et l’expérience s’en trouve diversifiée, à la fois moins chaotique et pourtant moins prévisible que dans les précédents Baldur’s Gate.
C’est aussi un choix fidèle à la réalité de Donjons & Dragons, l’indémodable jeu de table dont la série Baldur’s Gate a toujours été une adaptation. Et si d’autres puristes, ceux de D&D, sauront mettre le doigt sur de nombreuses différences, Baldur’s Gate III est l’une de ses adaptations les plus fidèles à ce jour.
Un titre solide
Mais revenons à ce défi qui fera ou non le succès du projet. Au-delà des comparaisons mécaniques, Baldur’s Gate III livre-t-il la marchandise en ce qui a trait à l’écriture et à l’immersion?
Davantage que Divinity: Original sin II, certainement. L’inverse aurait d’ailleurs été choquant, puisque ce n’était pas une de ses forces. Le jeu étant encore en production et incomplet à divers égards, il s’avère tout de même difficile de savoir à quel point son scénario et sa mise en scène marqueront les esprits. On constate toutefois déjà beaucoup plus de profondeur et de complexité.
Chaque personnage rencontré est doté de sa propre personnalité et de ses propres motivations. L’univers est riche et cohérent, soumis dans une certaine mesure aux décisions du joueur, qui peut par exemple prendre parti dans un conflit entre factions. Détail agréable : ce que vous révélerez à un personnage non joueur pourra être utilisé contre vous. Vous n’êtes pas entouré de pixels sans cervelle.
La bande sonore promet pour sa part d’être remarquable, ou du moins excellente. Le compositeur Borislav Slavov est visiblement inspiré, arrivant parfois à se donner de petits airs de John Williams (Star Wars, Jaws, Indiana Jones…). Si la musique qu’il avait composée pour Divinity: Original Sin II s’inspirait d’abord et avant tout de celle du premier opus de cette série, auquel il n’avait pas participé, la liberté accrue que lui confère Baldur’s Gate III révèle davantage son talent.
À l’heure actuelle, Baldur’s Gate III ne permet de jouer qu’à son premier chapitre. Il est possible d’en faire le tour en une vingtaine d’heures ou un peu plus. L’expérience est convaincante, mais ne permet évidemment pas d’en arriver à des conclusions certaines sur la qualité du récit dans son ensemble. Le constat, néanmoins, est encourageant et donne certainement envie de poursuivre l’aventure.
Les bogues sont plutôt rares, malgré des difficultés initiales avec le mode multijoueur (BG3 est jouable de 1 à 4 joueurs), sauf en ce qui concerne les animations, qui nécessitent encore une amélioration importante.
Baldur’s Gate III est aussi encore loin d’inclure tout ce que Donjons & Dragons a à offrir. On a par exemple le choix entre 8 races (et environ deux fois plus de sous-races) et 6 classes lors de la création du personnage. Le nombre de compagnons recrutables est aussi limité à 5, pour le moment.
Ceux qui envisagent de dépenser 80 $ pour jouer à Baldur’s Gate III dès aujourd’hui doivent donc être prêts à payer ce prix pour un jeu qui ne le vaudra peut-être pas encore à leurs yeux. L’intérêt de se le procurer en accès anticipé est plutôt de contribuer aux dernières phases de son développement.
Un jeu à peaufiner
Larian, qui a grandement amélioré Divinity: Original Sin et Divinity: Original Sin II grâce aux commentaires des joueurs et à une collecte impressionnante de données sur leurs habitudes de jeu, entend faire de même avec Baldur’s Gate III d’ici sa sortie officielle. Les joueurs actuels sont, en d’autres mots, des cobayes.
Les amateurs de CRPG pourront tout de même y trouver leur compte dès maintenant tout en anticipant une expérience améliorée dans un avenir semi-rapproché, mais les néophytes risquent de rester un peu sur leur appétit.
Quant à la sortie officielle du jeu, sa date reste inconnue. Larian développe, édite et publie Baldur’s Gate III par ses propres moyens, notamment pour éviter de se faire imposer un échéancier ou les requêtes d’un éditeur. C’est d’ailleurs une des raisons derrière son prix élevé pour un jeu en accès anticipé : les revenus générés peuvent être investis dans le développement du jeu, qui sera prêt à être lancé officiellement quand ses créateurs estimeront qu’il l’est.
Larian prend des risques avec ce projet dont l’ambition est de devenir la nouvelle référence en matière de CRPG tout en exploitant la popularité d’une franchise célèbre aux admirateurs souvent intransigeants. Le studio est passé de moins de 100 employés à 250 pour le développement de Baldur’s Gate III et il semble que l’échec ne soit pas une option.
S’il est encore trop tôt pour dire à quel point, ce que nous montre Baldur’s Gate III ne manque certainement ni d’ambition ni de qualité. Si Larian reste fidèle à son habitude d’écouter sa communauté, tout porte à croire que son audace pourra être récompensée.
8,5/10 (avec un gros potentiel de révision à la hausse)
Baldur’s Gate III
Développeur : Larian Studio
Éditeur : Larian Studio
Plateformes : PC (Steam, GOG), MacOs, Stadia. (testé sur PC)
Jeu disponible en français (textes à l’écran seulement)