Le premier tome du Dernier Atlas figure dans mon Top 5 personnel des meilleures bandes dessinées parues l’an dernier, et malgré des attentes très élevées, la suite de cette intrigue de science-fiction unique en son genre est loin de décevoir.
Le dernier Atlas a pour toile de fond une uchronie, où l’Algérie n’a obtenu son indépendance qu’en 1976, après qu’une explosion nucléaire causant plus de 6000 morts aie sonné le glas des Atlas, des engins aussi grands que des immeubles utilisés dans la construction d’autoroutes et d’édifices. Le premier tome (lire notre critique ici) débutait quarante-deux ans plus tard, alors que des oiseaux s’entassaient par milliers dans la zone irradiée au lieu d’entreprendre leur migration habituelle et qu’une gigantesque créature, surnommée Umo, a surgi du sol avant de se diriger vers le nord dans un but inconnu. Chargé de dénicher du matériel radioactif pour un groupe de narcodjihadistes, Ismaël Tayeb, le lieutenant d’une organisation criminelle, planifiait de voler la pile atomique du George Sand, le seul Atlas n’ayant pas été démantelé et rouillant dans un petit village de l’Inde depuis tout ce temps, mais après avoir réussi de peine et de misère à le remettre en état de marche, il décidera plutôt de s’en servir pour stopper la marche inexorable du monstre, au grand dam de ses patrons.
Les apparitions de kaïjus menaçant la civilisation et les mechs géants contrôlés par des humains font régulièrement partie du menu de la science-fiction, mais Le dernier Atlas donne une saveur unique à ces thèmes classiques, en abordant les méfaits du colonialisme à travers sa version alternative de l’Algérie, et en injectant une bonne dose de géopolitique à son intrigue. Axée sur la dimension humaine, la bande dessinée met en vedette un groupe de personnages très hétéroclite, composé d’un bandit franco-algérien, d’une Indienne pratiquant le Taï-chi, d’un tueur à gages russe et d’ingénieurs français aux cheveux blancs. Les scénaristes ne négligent pas l’action pour autant, et l’album dresse la table pour une confrontation épique entre le George Sand et le titan issu du désert, brouillant au passage les pistes quant à l’origine de l’Umo. S’agit-il d’un envahisseur extraterrestre, d’une manifestation spontanée de la planète visant à se défendre contre les abus de l’humanité? Il faudra attendre le dernier tome de cette trilogie pour avoir réponse à ces questions.
Splendide, le travail visuel de Hervé Tanquerelle sur Le dernier Atlas est aussi personnel que le scénario. Tandis que ses décors épurés s’inscrivent dans la tradition de la ligne claire, il accorde davantage d’attention aux personnages, ayant recours à des dizaines de lignes fougueuses pour tracer barbes, cheveux, rides ou ombres sur les visages, et ses protagonistes sont tous dotés de traits prononcés. Son Jean Legoff, le patron de l’organisation criminelle pour laquelle travaille Ismaël, arbore un pif digne d’un oiseau de proie, et sa journaliste Françoise Halfort a des airs de parenté avec l’actrice Annie Girardot. Il esquisse avec autant de talent les moments plus introspectifs que les scènes à grand déploiement, et celles-ci abondent dans ce deuxième tome, avec un Atlas flottant au-dessus de la mer porté par des ballons d’hélium, un ouragan de 300 kilomètres de diamètre, des puits de pétrole enflammés, ou d’étranges plantes poussant dans le désert. Chaque planche de l’album est mise en valeur, grâce à la coloration atmosphérique et vaguement rétro de Laurence Croix.
Si vous aimez les histoires finement ciselées, les personnages hauts en couleur et les robots géants à la Pacific Rim, faites-vous plaisir et lancez-vous à la découverte du Dernier Atlas, l’une des séries de science-fiction les plus trépidantes des dernières années.
Le dernier Atlas, tome 2, de Blanchard, De Bonneval, Tanquerelle et Vehlmann. Publié aux éditions Dupuis, 232 pages.