Débutant sur une simple guerre de gangs avant de déboucher sur la Guerre des mondes (rien de moins!), Le dernier Atlas est une bande dessinée exceptionnelle, que l’on dévore de la première à la dernière page.
Dans sa jeunesse, Ismaël rêvait de piloter un Atlas, ces robots aussi grands que des immeubles servant à la construction d’ouvrages d’envergure. Toutefois, suite à la « catastrophe de Batna », ils furent tous démantelés les uns après les autres, à l’exception du numéro 13, baptisé le George Sand, qui rouille quelque part en Inde depuis des années. Ismaël œuvre maintenant au sein d’un gang criminel, et quand des trafiquants manifestent leur intention d’acquérir du matériel radioactif, il convainc son patron de mettre sur pied une équipe afin de voler le dernier Atlas. Il est loin de se douter que l’humanité aura bientôt grand besoin de cette merveille robotique, alors qu’en Algérie, des milliers d’oiseaux migrateurs s’entassent dans le parc de Tassili N’Ajjer, et que, dans la zone irradiée, des secousses sismiques semblent annoncer la venue d’une menace telle que la Terre n’en a jamais connu.
Le dernier Atlas se démarque d’emblée en modifiant un seul événement de l’Histoire récente (en l’occurrence, la guerre d’Algérie), et en campant son intrigue dans cette réalité alternative, à la fois familière et très différente de la nôtre. Suivant Ismaël, un antihéros maghrébin à la morale plutôt ambivalente, ainsi que Françoise Halfort, une ex-reporter de guerre enquêtant sur le comportement bizarre des animaux victimes de radiation, les scénaristes Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval nous entraînent en France, en Algérie et en Inde pour une aventure palpitante dans le monde interlope des trafiquants, mais le récit se teinte également en toile de fond d’éléments de science-fiction qui lui donnent une saveur vraiment unique. C’est un peu comme si Pacific Rim avait fusionné avec un vieux film français, et le résultat n’est rien de moins que délectable.
D’un coup de crayon stylisé et redoutablement efficace, qui n’est pas sans rappeler celui de Réal Godbout (Michel Risque, Red Ketchup), Hervé Tanquerelle capture avec une précision remarquable toute l’essence, et la vitalité, des scènes qu’il croque, que ce soit l’exubérance des boîtes de nuit, les poursuites endiablées sur l’autoroute, les villas luxueuses peuplées de personnages à la mine patibulaire, ou le gigantesque Atlas en ruine surplombant le village indien de Darukhana. Son style graphique se prête aussi bien à la violence urbaine des gangs criminels qu’aux insectes mutants et autres images de science-fiction parsemant le récit, et au lieu de tendre vers le réalisme, la coloration cherche plutôt à créer des ambiances, ce qui produit des planches magnifiques. L’album se termine sur un texte expliquant plus en détail l’uchronie dans laquelle le récit prend place.
Combinant réalité alternative, petits truands et robots géants, Le dernier Atlas est un petit bijou de bande dessinée, qui s’inscrit déjà parmi les plus belles découvertes de l’année.
Le dernier Atlas, de Vehlmann, De Bonneval, Tanquerelle et Blanchard. Publié aux Éditions Dupuis, 232 pages.
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