Ceux qui trouvent que tous les films se ressemblent, y compris les films québécois, n’ont certainement pas vu Le rire de Martin Laroche, une proposition qui dépasse les limites de l’étrange, tout en faisant passer l’incompris, mais décevant Endorphine de André Turpin pour un délire contrôlé.
Il n’y a certainement rien pour préparer les spectateurs à l’univers du nouveau film de Martin Laroche, tellement il va dans toutes les directions à la fois. Le problème, toutefois, c’est qu’outre se faire proprement plaisir avec une œuvre qui semble directement sortir des tripes du réalisateur, difficile de comprendre à qui s’adresse véritablement cet ovni qui est certainement plus aguichant sur papier, et pour qui prendra vraiment le temps de l’analyser, au lieu de ceux qui s’y confronteront « pour le plaisir ».
Pourtant, le long-métrage est relativement intriguant, avant de lasser. Avec une équipe talentueuse et une distribution qui se surpasse, on savoure également sans mal les compositions de Robert Marcel Lepage, tout comme les très belles images de Mathieu Laverdière.
Certainement plus léché que le très beau film précédent de Martin Laroche, on se retrouve avec quelque chose qui semble abuser de ce qui faisait de Tadoussac un film aussi choquant, mais également aussi réussi. Misant encore sur le grand talent de ses comédiens et, surtout, de ses comédiennes, on nous rejoue le coup des monologues émotifs au point de les multiplier ad nauseam, transformant le film en une succession de vignettes théâtrales.
Certes, il y a bien l’extraordinaire scène de Evelyne Rompré qui vaut aisément le visionnement à elle seule, tout comme le fait de retrouver Léane Labrèche-D’or incandescente dans son premier grand rôle à l’écran. Par ailleurs, Micheline Lanctôt joue encore relativement son propre rôle et finit par abuser des sarcasmes avec ses partenaires, d’autant plus qu’en dépassant les deux heures, le film n’aide pas les spectateurs à faire preuve de patience.
Époque difficile
Bien que se déroulant à notre époque, du moins visuellement et en termes de référents socio-culturels, le film prend place à la suite d’une guerre civile dont une jeune femme est sortie vivante, mais en laissant de lourds morceaux derrière au passage. S’ensuit un tourbillon d’émotions et de moments, reliés ou non, où elle se verra confrontée à la réalité, tout comme à l’absurde. Le spectateur croisera également la route d’une panoplie de personnages tantôt bourreaux, tantôt victimes, tous torturés par le fardeau de la vie, tout comme celui de la mort et du temps.
Immensément libre dans les interprétations et volontairement vague dans ce qu’il représente, le film aborde à coup sûr la question du rire, mais utilise son titre de manière ironique pour y aller d’une déclinaison cinématographique certainement dramatique, penchant même ici et là pour l’horrifique, voulant troubler son spectateur plutôt que de le divertir. Les rires s’avèrent ainsi habituellement bien plus noirs et jaunes que ceux qu’on retrouverait dans un film plus près de la définition conventionnelle de la comédie.
On se retrouve alors avec un objet qui, bien qu’ancré avec férocité dans son propre univers, manque énormément de concision et ne parvient jamais vraiment à nous inviter dans cette folie à laquelle il nous a introduite. Ce qu’on trouve intéressant se fait rapidement dépasser par les irritants et devient rapidement interminable dans une démonstration qui abuse de la répétition, ce, même s’il n’en demeure pas moins imprévisible la majorité du temps.
Ni particulièrement réussi, touchant, brillant ou même drôle, Le rire est donc un pétard mouillé et une déception qu’on ne peut se cacher. Un bel objet éclaté, aucunement intemporel à cause de son lot de références actuelles, mais, avec surprise, assez vide quand on essaie de s’y intéresser.
4/10
Le rire prend l’affiche en salles ce vendredi 31 janvier.