Se décrivant comme un récit philosophique sur l’art et la création, Moon of the Moon du Chinois Li Chi Tak est un album au graphisme absolument superbe, mais dont le récit d’anticipation s’avère plutôt décousu.
Il y a maintenant vingt ans que les armées du tyran W.E. Kurtz sont entièrement constituées de cyborgs clonés à partir de son ADN. Le travail de Werner et de Rainer a toujours consisté à contrôler la qualité, la stabilité et le cycle de vie de ces innombrables copies, mais un beau jour, dans le but de savoir s’ils seraient capables d’aller au-delà de leur programmation et de développer leur propre personnalité, les deux scientifiques ont « réinitialisés » cinq de ces clones destinés aux rebuts, avant de les relâcher dans la nature. Ayant perdu le contact avec les sujets de leur expérience, Werner et Rainer tenteront de retrouver Wood, Jupiter, Max, Kate et Mary, mais au fur de leurs recherches, les deux hommes en viendront à se demander s’ils ont vraiment apporté la liberté à ces cyborgs émancipés, ou seulement la peur d’être pourchassés par l’humanité.
Principalement connu en Occident pour son super héros Black Mask (personnifié au grand écran par Jet Li), le bédéiste Li Chi Tak joue sur un registre bien différent avec la bande dessinée Moon of the Moon, et sa science-fiction à saveur philosophique. Abordant le thème de la création sous tous ses angles, qu’il s’agisse de donner la vie à un clone ou à une œuvre d’art, l’album soulève des questions très intéressantes sur l’identité ou le libre arbitre, mais à cause d’une narration non linéaire, qui alterne entre les époques et les personnages sans vraiment fournir de mise en contexte (un homme échoué sur la grève, une femme visitant le Louvre, etc.), il faut un certain temps pour saisir exactement ce qui se passe, et seuls les lecteurs patients apprécieront à sa juste valeur ce récit atmosphérique et vaporeux.
Plus proches de l’école franco-belge que du manga, les dessins hyperréalistes et hyperdétaillés de Li Chi Tak sont magnifiques, et possèdent même une certaine parenté avec le travail du défunt Patrick Moerell. Non seulement ses visages sont criants de vérité, mais l’illustrateur excelle dans l’art de capturer le mouvement des objets, comme les dizaines d’éclats de verre provenant d’une vitrine qui vole en éclat, ou les débris suspendus dans les airs suite à un accident de voiture. Il reproduit avec fidélité plusieurs toiles et sculptures célèbres exposées au Louvre, où se déroule une bonne partie de l’intrigue, et manie le noir et blanc comme nul autre, enserrant par exemple une mer noircie de dizaines de fines lignes par deux zones immaculées, l’une représentant le ciel, l’autre la grève.
Avec Moon of the Moon, Li Chi Tak se montre davantage doué pour le dessin que la scénarisation, et l’indéniable beauté picturale de cet album ne parvient malheureusement pas à faire oublier son récit, plus hermétique que philosophique. Dommage.
Moon of the Moon, de Li Chi Tak. Publié aux éditions Futuropolis, 128 pages.
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