Florence, 1966. La guerre est finie depuis vingt ans, déjà, mais le commissaire Bordelli, qui a pris les armes pour chasser les troupes du Duce et les nazis d’Italie, aux côtés des Alliés, n’a jamais vraiment pu en oublier les horreurs.
Usé par le temps, Bordelli s’est empâté, s’est assagi. Et à l’occasion d’une Mort à Florence, roman policier de Marco Vichi paru aux éditions Philippe Rey, le policier sera encore une fois confronté au Mal. Un Mal qui refuse obstinément de quitter son coin de pays.
Cette mort, c’est celle de Giacomo Pellissari, un petit garçon soudainement disparu, puis rapidement retrouvé mort, loin de la ville, le corps mutilé et violé.
Parallèlement à cette enquête qui piétine, Bordelli vit sa vie. Une vie triste, morne, faite de repas trop copieux au restaurant, d’absence d’exercice et d’intérêt possiblement malsain envers les jeunes femmes. Surtout que celles-ci, ayant adopté la mode hippie, défilent les cheveux au vent et la jupe plus courte que jamais.
Bref, Bordelli est dépassé, l’enquête piétine, et l’intérêt du lecteur s’émousse légèrement. Car c’est là que se situe tout l’enjeu de la littérature policière; il est bien sûr possible d’écrire des polars comme on réalise de la peinture à numéros, en plaçant constamment les bons dialogues, les bons personnages aux bons endroits. Le résultat n’en sera toutefois que plus prévisible, et ce même si l’auteur y insuffle tout son talent.
Dans Mort à Florence, l’auteur joue la carte du réalisme, de l’attente, de la véracité de cette existence qui ne défile certainement pas constamment pied au plancher.
De là à dire que l’approche relève du génie littéraire, il y a un pas qu’il ne faut définitivement pas franchir. Vichi semble se chercher, chercher un nouveau souffle à son histoire. Après tout, un meurtre, aussi crapuleux soit-il, n’instillera pas une tension à couper au couteau si le héros tourne en rond pendant des jours à la recherche d’une piste.
La fin, également, manque légèrement de mordant. Après plusieurs centaines de pages, voilà que tout se conclut en quatrième vitesse, sans vraiment laisser, dirait-on, suffisamment de temps et d’espace aux différents personnages pour véritablement parvenir à un dénouement satisfaisant. L’oeuvre respecte cette orientation « réaliste », oui, mais à choisir entre l’illusion du livre et la triste réalité d’une enquête policière portant sur l’horreur en ce qu’elle a de plus vil, qui peut vraiment prendre une décision éclairée?
Mort à Florence, de Marco Vichi, paru aux éditions Philippe Rey; 395 pages.
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