Celles et ceux qui me connaissent savent que le Prospero reste (et continuera certainement d’être) l’un de mes théâtres préférés à Montréal. La diversité des pièces offertes, la qualité des spectacles, ainsi que le talent des comédiens et autres praticiens du théâtre qui s’y produisent contribuent certainement à cette excellente réputation que je n’ai pas peur de défendre à tous vents. Aussi, c’est non sans un certain désarroi que j’ai assisté à la pièce Act of God, qui bien qu’elle laissait promettre de grands moments dramatiques, s’est traduite en une déception aussi vive et froide qu’un matin de janvier.
Tout d’abord, si le tout qu’est le spectacle n’est pas convaincant, ce n’est certainement pas le cas de chacun de ses éléments constituants, bien au contraire. Les décors a eux seuls méritent une mention d’honneur, pour leur créativité, la qualité de leur design ainsi que leur efficacité tant fonctionnelle qu’esthétique. Il en va de même pour les costumes, que les comédiens changent et s’échangent directement sur scène. Plus que de simples accessoires, tous ces éléments scéniques deviennent un personnage à part entière, sur lesquels les comédiens grimpent, se cachent, se découvrent, en créant des effets de profondeur et de changements de niveaux qui donnent un équilibre visuel franchement réussi à l’œuvre.
Les personnages aussi, joués par une distribution de comédiens qui ont à la fois une belle énergie et une synergie charmante, sont certainement bien développés et bien établis à travers les différents tableaux et histoires qui s’entremêlent.
Par contre, certains choix d’interprétation – tels que l’intégration d’accents moyen-orientaux – viennent sonner un bémol assez discordant dans l’ensemble. En effet, la question se pose – est-il vraiment nécessaire d’inclure de telles fioritures aux dialogues? N’est-il pas possible pour les spectateurs de comprendre, avec les propos échangés par les protagonistes et les costumes, que l’action s’est déplacée du Québec? Surtout lorsque certains des acteurs qui prennent ces accents le font non seulement de manière peu convaincante, mais surtout sans que ça apporte quelque chose à la pièce, si ce n’est une remise en question qui frôle les limites du racisme?
Si le texte est généralement bien écrit, on dirait que certains dialogues sonnent faux. À force de trop mimer la réalité, on ne peut s’empêcher de trouver que ceux-ci sonnent figés, presque guindés. À d’autres moments, au contraire, ceux-ci glissent tout naturellement et témoignent d’une véritable émotion, bien qu’en quantité trop réduite pour réellement émouvoir profondément l’audience.
Il est un peu déconcertant qu’Act of God ne soit pas un succès fulgurant. Pourtant, tous les éléments semblaient y être: des décors bien utilisés et exécutés, en plus d’être visuellement irréprochables, une mise en scène bien rodée, des comédiens parfois exceptionnels, généralement excellents, une histoire aux prémisses intrigantes – le tout aurait dû donner quelque chose d’intéressant, à défaut de remarquable.
Pourtant, il y a quelque chose qui manque. Est-ce la tentative maladroite de prendre de ces « accents », qui ne sont franchement pas nécessaires? Est-ce la durée de presque deux heures sans entracte de la pièce? Est-ce la révélation finale prévisible et qui tombe à plat?
Il y a définitivement une montée dramatique qui aimerait se résoudre en une catharsis renversante, qui cherche à laisser le spectateur pantois et émotionnellement chamboulé. Bien que la culmination vers l’apogée et la résolution de l’intrigue soit bien construite, on dirait qu’on a peine à être touché par la tragédie des protagonistes. La fin se prolonge, et tombe dans la facilité, en utilisant des techniques un peu trop grossières qui nous amènent à deviner le dénouement tragique avant même qu’il ne s’amorce.
Peut-être que dans un contexte actuel où de telles histoires font réellement les manchettes, à l’heure où les séries télévisées brisent toutes les barrières de ce qui peut ou ne peut pas être raconté, peut-être qu’une pièce telle qu’Act of God s’enlise dans les clichés et le réchauffé, sans réellement questionner, sans proposer quoi que ce soit de neuf en terme de trame narrative – et c’est là sa faiblesse majeure.
Act of God sera présentée au Prospero jusqu’au 11 février inclusivement.