Depuis ses débuts en 1979, l’ancienne caserne de pompier choisie par la cohabitation de trois troupes de théâtre, le Nouveau Théâtre Expérimental, Omnibus et Carbone 14, continue d’offrir aux praticiens du théâtre un espace versatile et divergent de création théâtrale.
Plus que jamais, l’Espace Libre reste une des scènes les plus expérimentales de Montréal et propose généralement autant de spectacles différents que de genres, de styles, de médiums différents. Loin de faire exception à la règle, MA(G)MA ouvre la saison 16-17 et s’inscrit sans complexe dans l’expérimentation théâtrale qui a donné à l’Espace Libre sa réputation et sa notoriété actuelle avec une qualité et un brio remarquable.
C’est le collectif Castel Blast qui est derrière la production et la création de l’œuvre. Né de la rencontre d’Olivia Sofia, Léo Loisel, Xavier Mary et Guillaume Rémus, chacun ayant obtenu un diplôme en 2015 dans des disciplines différentes (interprétation, danse, scénographie, musique numérique), Castel Blast voit le spectacle comme un ensemble, un partenariat des différentes disciplines, sans distinction entre elles. De cette fusion des genres naît forcément un hybride indéfinissable, moins en quête d’identité que de renouvellement, de recherche de soi profond.
Et c’est là toute la beauté et le succès du collectif que cette création d’une œuvre émotionnelle, inclassable, unique en son genre, qui vient provoquer en le spectateur un éveil presque viscéral.
Avec plus de quarante interprètes sur scène, qui allient expression corporelle et danse, en campant des personnages à la fois indépendants et fusionnels, MA(G)MA semble se centrer sur la passage vers l’âge adulte d’un enfant. C’est à travers une succession de tableaux organiques, changeants, voire inquiétants, au visuel sombre et effervescent, que se déroule le spectacle. Avec une trame narrative presque inexistante, des textes scandés par un narrateur tantôt invisible tantôt personnifié, MA(G)MA a une construction qui tient pratiquement plus de la cinématographie que de la scénographie. MA(G)MA devient une espèce d’expérience de contemplation, au sein de laquelle le spectateur ne peut qu’être aspiré et intégré, entre autres par le biais d’éléments sensoriels dirigés uniquement au public de la salle.
Il est difficile de décrire MA(G)MA. Il est difficile de résumer son propos viscéral, son impact émotionnel et sa rage de vivre, d’exister. MA(G)MA surpasse la simple mise en scène, la pièce de théâtre, la coordination (par ailleurs exceptionnelle) des comédiens, pour devenir autre. Ni décors ni dialogues ne sont nécessaires pour donner à MA(G)MA une qualité scénique incroyable. La combinaison de l’atmosphère musicale créée par Guillaume Rémus et du rythme des corps des interprètes est plus grande que nature, et devient un organisme complexe animé d’une vie propre – la nôtre. MA(G)MA est un miroir ahurissant : loin d’être déformant, il nous renvoie une image extrême, émotionnellement déroutante, et d’une vérité troublante. À voir – à revoir.
MA(G)MA sera présenté jusqu’au 10 septembre 2016 à l’Espace Libre.