Jim Chartrand
Fortement pressenti pour les Oscars et les grands honneurs de fin d’année, Brooklyn est un film académique qui a tout pour plaire. Oui, c’est certainement un beau film. Oui, c’est également un bon film. Un grand film? Loin de là toutefois.
Triangle amoureux sur fond d’immigration, on navigue entre deux continents et plusieurs battements de cœur alors que Eilis doit trouver sa voie entre son chez-soi natal en Irlande et son chez-soi d’adoption en Amérique où un Italien typique est bien déterminé à faire d’elle la femme de sa vie.
Le film est inévitablement dominé par la grande Saoirse Ronan qui trouve son rôle le plus satisfaisant depuis ses épatants débuts dans le Atonement de Joe Wright. Il est impossible de ne pas craquer pour sa tendresse, son élégance et sa passion. Dans ses mouvements, sa subtilité et son regard, on se perd dans ses yeux qui nous font vivre chaque tristesse, chaque bonheur, chaque espoir, chaque joie et chaque élan romantique que son personnage peut bien vivre.
Et c’est peut-être là que le film coupe court à sa beauté. Oui, bien sûr, la direction photo de Yves Bélanger a une luminosité d’une grande justesse, mais l’histoire d’un grand classicisme manque d’émotions. Les bribes d’humour on certainement leur part de sourires, alors qu’il y a quelques rôles secondaires qui font craquer, de l’unique Jim Broadbent à l’amusante Julie Walters, mais au-delà de tout cela, si le film nous touche ici et là, ce n’est pas nécessairement à cause de ses revirements qui ne vont jamais au fin fond de sa profondeur qu’on caresse du bout des doigts.
La mise en scène de John Crowley, cinéaste un peu caméléon sans style particulier, ne réinvente rien et n’a pas nécessairement d’ambitions, loin derrière son brillant Boy A. Toutefois, on doit peut-être s’en prendre au scénario de Nick Hornby qui à l’instar de celui pour Wild, tournoie encore autour du sujet en restant encore plus évasif que dans An Education. Si l’on remercie l’ensemble de ne pas avoir sombré dans le mélodrame larmoyant, il y avait certainement moyen de développer avec plus de consistance soit la romance, qu’on ne ressent qu’en surface, soit le sujet de l’immigration en Amérique, loin derrière ce que James Gray avait su accomplir dans son fortement plus satisfaisant The Immigrant qui est tristement passé inaperçu.
Comme quoi sans les sublimes mélodies en cordes de Michael Brook (il avait le nom tout indiqué apparemment), le film perd une grande part de sa passion et des émotions auxquelles il veut aspirer, puisque ces dernières aident beaucoup à nous toucher droit au cœur. Sans sa musique qui s’immisce en nous et nous dicte comment se sentir en nous envahissant de toute part avec douceur et tendresse, disons que le long-métrage n’a pas la même atmosphère et il serait plus dur de ressentir cette errance, cette souffrance, ce deuil et cette sensation de vide poignant dans cette émancipation de la protagoniste qui semble toujours désirer ce qu’elle n’a pas.
Brooklyn demeure néanmoins une création satisfaite qui a tout pour rassembler et séduire. S’il n’y a absolument rien ici pour lui assurer de passer à l’histoire, on y trouve quand même une romance fictive et historique qui fera rêver à défaut de transformer.
7/10
Brooklyn prend l’affiche en salles ce vendredi 18 décembre