Après l’accueil qui a été réservé à son premier roman, Charlotte before Christ, la barre était haute pour Alexandre Soublière lors de la publication par Boréal de son deuxième opus. C’est il y a quelques semaines qu’Amanita virosa, s’est retrouvé sur les rayons des librairies.
Revêtant les habits de l’antihéros dans un monde en pleine décadence, en pleine déliquescence, Winchester, le narrateur, se cherche. Ancien mercenaire dans le commerce de la guerre, Win s’est lancé en affaires avec Sam dans un domaine qu’on pourrait qualifier de particulier. Les deux larrons ont en effet entrepris d’offrir aux friqués de ce monde l’ultime expérience du voyeurisme. Ni vus ni connus, ils installent caméras et micros dans tous les lieux possibles et imaginables afin d’enregistrer les ébats sexuels des personnes ciblées par leurs richissimes clients. Des états d’âmes? Ces messieurs n’en ont guère.
En fait, notre ami Winchester aimerait bien en avoir, des états d’âme. Mais pour cela, encore faudrait-il qu’il sache ce qu’est une âme et qu’il soit certain d’en avoir une. À travers les turpitudes de son métier et son passé affectif troublé, on découvre un individu particulier, avec ses rites et ses intérêts restreints. Il a des principes qui sont en même temps ceux de son entreprise.
Dans un style bien personnel, Soublière réussit à camper un personnage structuré et complexe et donne envie au lecteur d’en apprendre davantage. La langue est directe et ronde en bouche, si on peut dire. Mais certaines épices, comme le mot « fuck » utilisé à toutes les sauces et à tous vents, nous apparaissent mal dosées.
L’admiration que le héros développe pour une des cibles de son entreprise est crédible et correspond bien à ce qu’on imagine du loup solitaire qui cherche son âme et son âme sœur. Cette crédibilité est cependant mise à rude épreuve lorsque Win constate, sans s’en offusqer, que son partenaire Sam, policier ultra corrompu, a commencé à enlever des gens, à les torturer, à les tuer. Il y a là un hiatus dont le sens, s’il est volontaire, m’a échappé.
Au final, on reste avec l’impression d’un bon millésime qu’on aurait mal conservé et dont le nez promet davantage que ce qui sera livré à la bouche.