À l’heure où la route Transamazonienne, la fonte des glaces de l’Arctique et des siècles de colonisation privent les peuples autochtones de leur écosystème au bénéfice des « Blancs » atterrissant et envoyant un émoticône où ils veulent… les cinéastes Martin Butler et Bentley Dean porte à l’écran un épisode survenu en 1987 d’une peuplade autochtone d’une île d’Océanie dans le film Tanna (2015).
Les textes sacrés qui portent sur les origines présentent la création de tout ce qui existe en abordant la sexualité humaine, comme s’il y avait un parallèle entre les deux: les paramètres de notre monde. Seul, l’humain cherche à s’expliquer la genèse, à la raconter et à la mettre en abyme. Dans certaines peuplades, les origines et les règles de vie demeurent presque indissociables puisqu’elles n’ont pas été fixées par l’écrit, c’est-à-dire qu’elles se logent dans l’oralité, la sagesse des anciens et dans l’environnement.
Dès le départ, les cinéastes ne nous plongent pas dans l’exotisme. À la manière de n’importe quelle personne âgée, qui se fait un devoir de balayer le devant de sa maison à Montréal comme ailleurs, un homme presque nu balaye la place centrale de son village à l’aide des branches d’un arbre fraîchement coupé. Au début, le fait d’assister à leurs activités quotidiennes crée un effet rebutant, de sorte qu’ils se fondent tellement bien dans leur environnement, que cette communauté est tellement tissée serrée que l’on se sent presque comme un observateur ingénu blotti dans son siège de cinéma.
Pour s’amuser, une jeune fille se sauve en zone interdite. Lorsque son père la gronde, on prend conscience du danger, de la menace qui pèse sur la communauté. À partir de cette scène, on adhère au film. Autrement dit, le spectateur averti va abandonner ses craintes par rapport à la foule de mauvais films déjà produits qui ne respectent pas l’imaginaire des Autochtones. À vrai dire, les deux cinéastes réussissent très bien le croisement difficile entre le documentaire ethnographique et le mélodrame qui touche les grands publics. L’aspect visuel du cinéma leur permet de montrer les référents de la communication orale.
Au-delà des scènes magnifiques de forêt abondante, de bord de mer où on pêche avec un arc à flèches et du volcan en activité auquel le sexe féminin est attribué, le duo de cinéaste ne cherche pas à occulter l’espace-temps dans lequel se situe la temporalité de la communauté. Sur l’île, il y a d’autres communautés dont certaines sont colonisées, certains membres ont des noms anglais et ils connaissent l’existence de la famille royale. À l’orée du globe, cette comparaison entre leur peuplade et l’Empire britannique trace-t-elle une équivalence dans leur esprit?
Tanna (2015) permet de séjourner sur une île de l’océan pacifique tout en remettant en question l’universalité, à voir dans un cinéma près de chez vous!
https://www.youtube.com/watch?v=meDuZ1AOiOE