On ne le cachera pas, Neighbors 2 débute avec une blague de vomi et on aura par la suite un fort lot de gags de tampons ensanglantés et de couilles pendantes. Pourtant, au-delà de la vulgarité et des obscénités, dans le style mis en place par Judd Apatow, voilà que cette audacieuse suite fait l’impossible: elle pousse une réflexion qui se bonifie une fois l’écoute terminée, une rareté dans le genre.
Rien n’est plus dur que de faire une suite de qualité. Bien sûr, le but premier de l’entreprise est de profiter du succès déjà établi, pourtant, il y a moyen de le faire avec classe et intelligence comme l’ont fait Phil Lord et Chris Miller avec leur brillant 22 Jump Street, par exemple. Sans se nourrir des mêmes ambitions, bien que l’écoute ne soit pas ponctuée du même succès que la surprise engendrée par le premier opus, plus on y repense, plus on ne peut que saluer le certain génie qui se camoufle derrière Neighbors 2.
Certes, on se base sur le même moule (nos jeunes parents qui sont de moins en moins jeunes doivent rivaliser contre des jeunes en pleine puberté) et on refait la même chose, mais en plus gros, tout en multipliant les références et les clins d’oeil. C’est normal, oui, sauf qu’on y va d’une nuance qui change de loin toute la perspective. Comme quoi, en apportant comme opposants une sororité, on se permet une réflexion plus qu’essentielle sur la société actuelle.
Et ce qui distingue le film de tous les autres où l’on se contente de « féminiser » l’ensemble, parlez-en à Star Wars et Ghostbusters, c’est de ne pas se contenter de laisser la place aux femmes, mais bien de reconsidérer la place de celles-ci. Comme quoi on doit grandement saluer le génie des cinq scénaristes (tous des hommes d’ailleurs) de réussir le pari risqué de représenter avec exactitude à quel point il est confus pour une jeune femme en pleine quête identitaire de grandir dans une société qui ne semble lui laisser aucune place pour s’émanciper librement.
Puisque voilà, la prémisse n’est pas aussi simple qu’on voudrait le croire et elle se déploie en trois voies. Certes, on continue d’explorer la crise de la trentaine établi par le premier film via Teddy cette fois qui doit commencer à prendre sa vie en main et dire adieu aux folles années de sa jeunesse, alors que celle du couple composé de Mac et Kelly évolue en crise de la quarantaine sur l’angoisse des « bons parents ». Deux cycles réflexifs qui ne seront pas sans rappeler les Knocked Up et This is 40 de Apatow d’ailleurs. Néanmoins, là où le ton se complexifie, c’est en y ajoutant Shelby, interprétée par la toujours chaleureuse Chloë Grace Moretz, et ses copines, qui décident de partir leur propre sororité qui ne serait pas sous l’emprise d’aucune loi, soit celles qui donnent seulement droit aux fraternités de faire la fête. (Et vous pouvez faire la recherche, c’est entièrement vrai).
Comme quoi, on y va d’un méchant qui est beaucoup plus subtil, et qu’on ne s’adonne pas nécessairement au combat des vieux versus les jeunes ou des hommes versus les filles qu’on nous promettait. On va, avec surprise, plus loin. On nous démontre plutôt que le véritable combat est celui des femmes versus la société. C’est d’ailleurs en démontrant qu’il n’y a aucune victoire à les vaincre puisque par défaut, elles perdront, réalité oblige, que le film trouve sa plus folle justesse. Voilà enfin alors le véritable girl power que tout film essaie de faire briller. De Bridesmaids à Trainwreck, il y a toujours ce sentiment d’unité qui demeure et Neighbors 2 l’exprime avec jouissance.
Et c’est en refusant de donner raison au monde moderne que Neighbors frappe juste. Oui, certaines propositions peuvent paraître comme des ratages et on est toujours sur une mince ligne pour ce qui est du masochisme, du sexisme et de la vulgarité, mais autant dire que les bonnes idées ne manquent pas et que le rythme vif et exaltant nourrit habilement les blagues qui fonctionnent, puisque ces dernières fonctionnent à plein régime alors qu’on rit certainement à en perdre haleine à plus d’une reprise. Toute la séquence ponctuée par Black Skinhead de Kanye West est d’ailleurs anthologique.
Enfin, Neighbors 2 passe pour un film amusant et une suite pas toujours nécessaire. Pourtant, Nicholas Stoller le traite comme un film qui peut vivre de lui-même. Au même titre que le premier volet fermait sa propre parenthèse et que Get Him to the Greek et Forgetting Sarah Marshall se miroitaient sans nécessairement se suivre directement, on ne cherche pas ici à construire une franchise qui n’en finit plus de finir. Il n’y a pas de fins ouvertes et on a des histoires qui sont propres au film (le personnage de Dave Franco par exemple). Mieux, voilà une suite qui trouve le moyen de complexifier et d’actualiser ses enjeux pour quelque chose d’une grande subtilité, en toute ironie, et d’une grande nécessité surtout.
Vous ne le verrez pas comme cela au début. Mais laissez le tout mijoter et vous verrez qu’on a peut-être ici l’une des comédies féministes les plus importantes de notre siècle, qu’on le veuille ou non.
8/10
Neighbors 2: Sorority Rising a pris l’affiche en salles le vendredi 20 mai dernier.