L’assurance intimidante des jumeaux australiens Philippou est plus présente que jamais dans Bring Her Back, leur deuxième tour de piste dans les méandres de l’horreur psychologique au cinéma. Mieux, ils peuvent compter sur un pilier de taille pour atteindre le niveau supérieur: la brillante actrice Sally Hawkins.
Qui aurait cru que les youtubeurs Danny et Michael Philippou, mieux connus sous leur pseudonyme RackaRacka, deviendraient des cinéastes de la nouvelle vague de l’horreur à surveiller?
Suite au succès inattendu de Talk To Me, dont la suite est encore attendue, tout aurait pu être possible.
Si la majorité de l’équipe et des thématiques sont réutilisées avec efficacité, on se retrouve pourtant avec un film original intelligent beaucoup moins poseur, certainement moins explicatif et énormément mieux réfléchi que le précédent. Un beau retour aux sources, comme A24 en avait autrefois le secret.
Certes, il est encore question de deuil, de relations familiales complexes, de possession, de douleurs physiques et de délires psychotiques. Sauf que le long-métrage brouillera avec style les pistes et les genres et s’assurera de ne jamais rendre trop prévisibles les avenues qu’il nous fait emprunter.
Avec une oeuvre plus frontale, plus directe, on tend à nouveau la main et on se laisse aller.
Bien sûr que quelque chose ne tourne pas rond dans la nouvelle famille d’accueil d’Andy et Laura. Sauf que c’est dans la façon que le film choisit d’aborder cette thématique que les deux cinéastes réussiront à nous dépayser.
Qu’il fait bon, après tout, de se retrouver avec un suspense qui fouille avec justesse la psychologie de ses personnages en développant leurs motivations, mais sans abuser des explications.
Mieux encore, le film évite de beaucoup les sursauts gratuits, ce qui rend encore plus efficaces les passages où il tend vers l’horreur et la violence souvent très crue par le biais de scènes qui auront tôt fait de nous forcer à détourner le regard, ou qui marqueront notre imaginaire.
On trouve aussi moins de tours de passe-passe du côté de la mise en scène et pourtant, chaque cadrage du directeur photo Aaron McLisky est calculé au quart de tour. On sait ce qu’on veut montrer et ce qu’on veut suggérer. Quelques plans filmés au ras du sol se montreront d’ailleurs particulièrement évocateurs.
La distribution aide également beaucoup. Jonah Wren Phillips est inquiétant à souhait dans la peau d’Oliver, qui fait sérieusement concurrence à Danny Torrance, dans The Shining, alors que les jeunes Billy Barratt et Sora Wrong ont la complicité nécessaire pour nous faire croire à cette fraternité décomposée et plus compliquée qu’elle ne le semble au départ.
Par contre, les lauriers reviennent à la toujours fascinante Sally Hawkins, qui élève la totalité de l’ensemble. Avec une complexité constamment en mouvement et une performance des plus imprévisibles qui peut démultiplier des émotions complètement opposées en un instant, elle prouve avoir fait le bon choix en refusant de reprendre le rôle de Mrs. Brown dans le troisième volet des Paddington. Elle qui trouvait avoir fait le tour du personnage s’essaie ici avec une intensité dramatique et horrifique encore inédite pour elle, mais le tout est réalisé avec tellement d’aisance qu’on a l’impression qu’elle l’a fait toute sa vie.
C’est par le biais de sa Laura que le film n’en finit plus de s’enrichir et de se bonifier, s’avérant beaucoup plus nuancé qu’on pourrait le croire.
Pas question, non plus, de laisser trop d’éléments en suspens. Certes, vous n’en saurez pas trop sur les rituels terrifiants, qui deviennent rapidement secondaires dans cette création beaucoup plus intéressée à explorer le pire de ce que le deuil peut amener chez quelqu’un. D’avoir évité les effets chocs pour une fin plus délicate est encore une preuve impressionnante de maturité.
Bring Her Back risque de ne pas être ce qu’on attends de ce film, et c’est tant mieux. D’autant plus que le moins on en sait, mieux c’est. Le résultat en est d’autant plus riche et l’écoute est certainement plus satisfaisante qu’anticipé. Voilà un film qu’il faudra laisser mijoter et qui pourrait bien nous revenir en tête, à l’image de ces êtres chers dont il est difficile de se défaire.
8/10
Bring Her Back prend l’affiche en salle ce vendredi 30 mai.