Le déclin de la biodiversité s’est accéléré à une vitesse alarmante au cours des dernières décennies, un phénomène grandement alimenté par les activités humaines comme la déforestation à des fins de production agricole, ou pour récolter le bois coupé. Et une nouvelle étude tente de chiffrer l’ampleur de cette menace pour les animaux, oiseaux et reptiles.
Les travaux en question, menés par des chercheurs de l’Université Princeton et publiés dans Nature, font état d’un nombre presque dantesque: ce serait pas moins de 7600 espèces dépendantes de l’écosystème forestier qui seraient menacées par cette activité économique.
Selon les auteurs de l’étude, si les pays contribuent généralement à la dégradation des écosystèmes présents à l’intérieur de leurs frontières, ils jouent aussi un rôle important dans la destruction de la biodiversité à l’étranger.
Comment? En « exportant » leur production agricole et forestière à l’extérieur de leurs frontières, ce qui pousserait d’autres pays à détruire leurs forêts, à leur tour.
En se penchant sur les impacts de 24 pays industrialisés sur ces milliers d’espèces d’oiseaux, mammifères et reptiles, notamment à l’aide de données économiques, de cartes satellites et d’autres informations à propos de la déforestation, le tout sur une période allant de 2001 à 2015, les chercheurs ont pu identifier les « zones rouges » signalant une importante perte de biodiversité.
Ce faisant, ils ont aussi pu quantifier les pertes des habitats de chaque espèce pouvant être attribuées aux importations des pays industrialisés.
« Il est difficile d’évaluer les impacts que peuvent avoir des pays sur l’environnement à l’extérieur de leurs frontières », mentionne le principal auteur Alex Wiebe, étudiant au doctorat au sein du département d’écologie et de biologie évolutionnaire.
« En combinant des images satellites avec des données sur l’économie et la biodiversité, nous sommes maintenant capables de mesurer et de cartographier les endroits où ces pays affectent des espèces. »
Des effets marquants à l’international
Selon les résultats des travaux, la déforestation alimentée par la consommation des 24 pays industrialisés important du bois ou des aliments représentait un peu plus de 13% des pertes d’habitats pour des espèces vertébrées vivant dans les forêts, en plus de la perte de biodiversité recensée à l’intérieur de leurs propres frontières.
En moyenne, ces pays ont provoqué des pertes de biodiversité au moins 15 fois plus importantes à l’extérieur de leur territoire, comparativement aux impacts locaux.
Ainsi, les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Japon et la Chine seraient les pires élèves en la matière.
« En important de la nourriture et du bois, ces pays développés viennent en quelque sorte exporter l’extinction », dénonce David Wilcove, coauteur de l’étude et professeur d’écologie, de biologie évolutionnaire et d’affaires publiques.
« Le commerce international dissémine les impacts environnementaux de la consommation humaine; dans ce cas-ci, cela pousse les pays industrialisés à obtenir leur nourriture auprès de pays plus pauvres, généralement dans les régions tropicales, où la biodiversité est plus importante, ce qui entraîne la disparition de davantage d’espèces. »
L’étude indique également que plus de la moitié des territoires perdus, pour le quart des espèces gravement menacées, est imputable à la consommation de pays étrangers.
« Cela représente une transformation majeure de la façon dont apparaissent de nouvelles menaces envers les espèces sauvages. »
De l’espoir pour la protection des espèces
Tout n’est pas perdu, assurent les chercheurs. En fait, les conclusions des travaux mettent de l’avant des nouvelles méthodes permettant d’analyser les tendances en matière d’exploitation des terres et de perte de biodiversité, et ainsi offrir des prédictions plus précises à propos des espèces menacées.
Cela donnera ensuite l’occasion, affirme-t-on, de développer de meilleures méthodes de protection des espèces et de mettre de l’avant des plans de développement économique durable.
« Les échanges commerciaux mondiaux pour de la nourriture et du bois ne vont pas s’arrêter », soutient le Pr Wilcove.
« Ce qui compte, c’est que les nations importatrices reconnaissent les impacts de ces échanges commerciaux sur les pays exportateurs et travaillent avec ceux-ci pour réduire ces mêmes impacts. Tous les pays ont à gagner à favoriser la protection des habitats et l’agriculture durable, puisque la biodiversité est avantageuse pour toutes les nations. »