Est-ce que les grandes quantités de données et l’intelligence artificielle peuvent venir en aide aux créateurs de politiques publiques lorsque vient le temps de s’attaquer aux problèmes de santé de la population? Selon une nouvelle étude de chercheurs de l’Université de New York, Google Street View pourrait contribuer à détecter des maladies et identifier des tendances afin d’améliorer le temps de réaction des pouvoirs publics dans ce domaine.
Dans le cadre de travaux publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences, les auteurs ont ainsi analysé deux millions d’images tirées de la plateforme de Google montrant la métropole américaine, afin d’en évaluer l’utilité dans un contexte de santé publique.
Selon eux, s’appuyer uniquement sur ces clichés pourrait mener à des informations inexactes et à des interventions erronées, mais combiner ces informations avec d’autres données en décuple le potentiel.
« Il y a beaucoup d’enthousiasme à l’idée d’utiliser de nouvelles sources de données afin d’obtenir une vision holistique de la santé, y compris l’intégration de l’apprentissage machine et de méthodes liées à la science des données », mentionne ainsi Rumi Chunara, l’un des principaux auteurs de l’étude.
« Notre étude souligne le potentiel de sources de données numériques, comme des images tirées de la fonctionnalité Street View, pour améliorer la recherche sur la santé publique, tout en soulignant les limites des données et les dynamiques complexes à l’oeuvre entre l’environnement, les comportements individuels et les résultats en matière de santé publique », a quant à lui ajouté Miao Zhang, le premier auteur de l’étude.
La santé à l’échelle de la rue
Au cours des dernières années, des chercheurs ont commencé à recueillir des images de diverses rues afin de lier un environnement spécifique, et ses infrastructures, à des enjeux spécifiques comme les problèmes de santé mentale, la transmission de maladies infectieuses, ou encore l’obésité; cette tâche serait particulièrement difficile à réaliser manuellement.
« Nous savons que l’environnement bâti d’une ville peut affecter notre santé, que ce soit en raison de la disponibilité des trottoirs et d’espaces verts pour pratiquer la marche, ou encore l’existence d’épiceries offrant des aliments sains », a mentionné M. Chunara.
« Certaines études indiquent que la présence de trottoirs est liée à des taux d’obésité plus faibles… Mais est-ce tout? »
En analysant les millions d’images, les chercheurs ont utilisé l’intelligence artificielle pour détecter les trottoirs et les passages piétons. Ils ont ensuite comparé cette information aux données locales à propos de l’obésité, du diabète et de la proportion de citoyens pratiquant des activités physiques, le tout provenant des Centres de contrôle et de prévention des maladies. L’objectif? Déterminer si l’environnement bâti permet de prédire des résultats en matière de santé publique.
Les auteurs des travaux ont ainsi constaté que les quartiers possédant davantage de passages piétons affichaient aussi un taux plus faible d’obésité et de diabète, mais il ne semble pas exister de lien entre la présence de trottoir et des effets sur la santé, contrairement à de précédentes études.
« Cela pourrait s’expliquer parce qu’une bonne partie des trottoirs, à New York, sont situés à des endroits où les gens ne les utilisent pas, comme le long d’une autoroute, sur un pont, dans un tunnel – et donc, la densité des trottoirs pourrait ne pas refléter la capacité de se déplacer à pied aussi efficacement que les passages piétonniers », estime M. Zhang.
Quel lien de cause à effet?
Si les passages piétons ont effectivement été liés à de plus faibles taux d’obésité et de diabète, les chercheurs ont voulu savoir ce qui pouvait expliquer cette association. Leur analyse des données des CDC a révélé que l’activité physique, et non pas seulement les passages en question, était responsable de cette proportion moindre de gens souffrant de ces maux.
Dans le cadre d’un test, les auteurs ont ainsi constaté que l’augmentation de l’activité physique entraînait une baisse 4 fois plus importante du taux d’obésité, et 17 fois plus importante du taux de diabète, que le simple fait d’installer davantage de passages piétons.
Selon leurs conclusions, les chercheurs estiment que la création de politiques publiques en matière de santé ne devrait pas uniquement s’appuyer sur de nouvelles sources de données, mais aussi tenir compte d’autres informations probantes.
« Une approche plus nuancée, en lien avec le big data, est nécessaire pour utiliser ces données, notamment en faisant appel à l’expertise existante », juge ainsi M. Chunara, qui suggère plutôt l’ajout de classes d’activité physique, par exemple, plutôt que la construction d’infrastructures urbaines, afin de combattre l’obésité et le diabète.