Dans les nations industrialisées, la consommation de viande est beaucoup trop importante, ce qui fait non seulement augmenter le risque de maladies cardiovasculaires, mais accroît la crise alimentaire en raison des terres réservées à l’élevage, sans compter la pollution qui en résulte. Mais peut-on réellement convaincre les individus de manger moins de viande, y compris lorsque les repas sont fournis par une entreprise, comme dans une cafétéria?
« La viande coûte plus cher que la plupart des plats d’accompagnement », mentionne le Dr Dominic Lemken, professeur à l’Université de Bonn. « Les cafétérias veulent réduire les portions de viande dans leurs plats, ne serait-ce que pour des raisons économiques. »
Mais les clients sont-ils prêts à accepter une telle diminution?
Les résultats de ces travaux de recherche sont publiés dans Environment and Behavior.
La question consiste à savoir quels incitatifs sont nécessaires pour encourager les consommateurs, qui sont présentement habitués à manger des produits d’origine animale, à accepter moins de viande et davantage d’accompagnements dans leur assiette. Pour en avoir le coeur net, une équipe de scientifiques a mené une expérience dans une clinique servant environ 200 repas par jour.
Au total, les auteurs des travaux ont enregistré des données à propos de 5966 plats choisis par les clients entre octobre 2022 et mai 2023, y compris des informations à savoir si ces plats contenaient de la viande, et quelles portions de viande étaient servies. Quelque 125 clients ont aussi été appelés à indiquer s’ils étaient satisfaits de leur repas.
Avant le début de l’étude, les chercheurs se sont entendus avec les propriétaires de la cafétéria de la clinique: aucun changement n’a été apporté au menu pendant une première période d’observation de six semaines, et le personnel de l’endroit ne changeait les portions de viande, dans les assiettes, que si les clients le réclamaient.
Ce même personnel a ensuite changé d’approche lors d’une deuxième phase en demandant spécifiquement aux clients: « Quelle quantité de viande voulez-vous? »
Un panneau a aussi informé les clients que consommer moins de viande aiderait à nourrir davantage de gens à travers le monde.
Dans le cadre d’une troisième phase, les clients recevaient automatiquement moins de viande dans leur assiette. Des affichettes mentionnaient qu’il était possible de demander de plus grosses portions de viande, si désiré. Cependant, le personnel n’offrait effectivement une plus grosse quantité que sur demande.
Viser un changement de comportement
Comme l’indiquent les chercheurs, la stratégie employée dans la phase finale consiste à déclencher un changement de comportement de façon ciblée. Les images choquantes imprimées sur les paquets de cigarettes sont d’ailleurs un exemple de ce procédé.
« Par contraste, dans le cadre de notre étude, l’élément visant à entraîner un changement de comportement était la réduction des portions de viande », indique Ana Ines, l’une des autrices des travaux.
« Les consommateurs devaient ainsi agir concrètement pour réclamer une quantité plus importante. »
De fait, les clients ont jugé qu’il était plus confortable de simplement accepter une plus petite portion de viande dans leur repas.
Dans le cadre des travaux, toujours, 11 plats différents ont été servis avec moins de viande, ce qui a été bien accueilli par les participants. Cependant, les différentes stratégies employées n’ont pas toutes eu le même effet sur la taille des portions.
À la première phase, lorsque les portions sont demeurées les mêmes, seulement environ 10% des clients ont réclamé moins de viande. À la question « combien de viande voulez-vous », ensuite, la proportion de gens commandant moins de produits carnés est passée à près de 39%. Et enfin, lorsque les portions de viande furent réduites par défaut, plus de 90% des participants ont accepté cette nouvelle situation sans broncher.
Des comportements différents selon le sexe
« L’un des aspects intéressants de tout cela est le fait que les femmes et les hommes ont agi de façon très différente », mentionne de son côté la Dre Aline Simonetti, membre de l’équipe de recherche.
Cela était particulièrement vrai lorsque l’on demandait aux clients d’indiquer la quantité de viande désirée: jusqu’à quatre fois plus de femmes que d’hommes demandaient une portion plus petite. La différence existait aussi lorsque la quantité de viande était réduite, par défaut, mais elle était moins prononcée, indique-t-on.
« Nous avons constaté que l’incitation a permis « d’égaliser » les décisions prises par les hommes et les femmes à propos de l’acceptation d’une plus petite portion de viande », a résumé Dominic Lemken.
« Ces résultats pourraient être utilisés dans un contexte de politique publique en lien avec l’alimentation, plus précisément lorsqu’il est question de consommation de viande », poursuit le chercheur.