La Californie est l’équivalent de la cinquième plus importante économie de la planète, mais c’est aussi une zone particulièrement fertile, où l’on trouve une industrie agricole titanesque évaluée à 59 milliards de dollars américains. Et pour justement sauver cette industrie menacée par la crise climatique, des chercheurs proposent un plan radical.
Le plan en question, proposé par des chercheurs de l’Université de la Californie et publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences, fournit une série d’étapes pour la mise en place de nouveaux systèmes de captation, de stockage et de distribution d’eau potable, le tout en respectant les projections climatiques et les écosystèmes.
On y évoque aussi la réutilisation des eaux d’écoulement et des sources souterraines, alors que celles-ci s’écoulent généralement des montagnes vers les terres côtières.
« La disponibilité de l’eau potable est en baisse en raison de la crise climatique, notamment à cause de l’évaporation et de la transpiration, mais aussi parce que nous n’avons pas les systèmes en place pour capter et utiliser les flots d’eau plus vastes et plus variés qui sont désormais la norme », a affirmé Kurt Schwabe, professeur de politiques publiques et coauteur de l’étude.
Une planète plus chaude signifie, pour la Californie, un nombre réduit de chutes de pluie et de neige, mais en des quantités plus importantes. Cette hausse des températures et des hivers écourtés entraîne aussi le stockage de plus grands volumes d’eau sous la forme de couverts de neige, en montagne, couverts qui permettent habituellement de remplir les réservoirs californiens, au printemps.
Par ailleurs, une plus grande quantité d’eau disparaît aussi en raison de l’évaporation.
Cela veut dire, écrivent les chercheurs, que l’agriculture, qui utilise environ 80% de l’eau consommée dans cet État américain, devra s’ajuster à un avenir où l’eau servant à l’irrigation sera disponible en quantités moindres.
Afin de pallier à ces problèmes et réduire l’impact climatique sur l’agriculture, les scientifiques proposent un système plus simple et plus réactif qui peut capter et stocker l’eau déversée par les grandes tempêtes avant que celle-ci ne se retrouve dans l’océan, histoire d’éviter les inondations, mais aussi de permettre de continuer à faire pousser les récoltes lors des mois d’été chauds et secs.
Pour ce faire, l’État doit augmenter ses capacités de stockage, mais cela ne veut pas nécessairement dire construire davantage de barrages et de réservoirs, affirme le Pr Schwabe. En fait, on trouve de grandes capacités de stockage dans les nappes phréatiques maintenant à sec, sous la région de Central Valley et sous les plaines côtières.
« C’est vraiment quelque chose de positif », soutient le chercheur. « Nous pouvons commencer à accueillir davantage de ces flots liés aux inondations, et les stocker dans les nappes phréatiques. Nous avons beaucoup de capacité, et vous n’avez pas les problèmes d’évaporation, comme avec les réservoirs de surface. »
Capter ces flots impliquerait de détourner certains torrents provoqués par les fortes pluies et la fonte accélérée des neiges vers les champs agricoles, ou encore d’autres terrains, où des inondations contrôlées ne provoqueraient pas de dégâts. Cette eau s’écoulerait ensuite vers les nappes phréatiques. Et les agriculteurs disposeraient alors de plus d’eau souterraine pour passer à travers les périodes sèches, tout en permettant de revigorer des habitats sauvages.
Varier les récoltes
Les auteurs des travaux proposent aussi de varier les espèces cultivées par les agriculteurs, afin que ceux-ci disposent d’une plus grande marge de manoeuvre, en lien avec les quantités d’eau disponibles. Et alterner ces récoltes, à l’opposé de la transformation des systèmes d’irrigation, peut entraîner une baisse du volume d’eau consommée, rappelle-t-on.
« Les agriculteurs sont évidemment placés face à une décision économique », a encore mentionné le Pr Schwabe.
Ce dernier soutient que la Californie doit également améliorer la flexibilité de ses systèmes de distribution d’eau. Les trois principaux aqueducs de l’État transportent ainsi principalement l’or bleu du nord vers le sud. Une amélioration des capacités de transport de l’est vers l’ouest, et inversement, permettrait d’accroître l’efficacité de l’utilisation de l’eau, soutient-on, avant d’indiquer que les agriculteurs disposant de plus de réserves pourraient les vendre à ceux dans le besoin.
Et un tel système encouragerait à mieux stocker et utiliser l’eau, affirme le Pr Schwabe.
« Lorsque je me suis installé en Californie, il y a plus de 20 ans, quelqu’un m’a dit de ne pas laisser les autres affirmer qu’il n’y a pas beaucoup d’eau en Californie, parce que c’est faux. Le problème, c’est que cette eau est mal gérée », a-t-il ajouté.