The Killer est l’histoire d’un faux pas de carrière. Cette prémisse devient rapidement la métaphore idéale pour ce qui pourrait être le premier échec en carrière du cinéaste David Fincher qui, lui aussi, ne rate habituellement jamais sa cible.
Depuis House of Cards, dont il a réalisé les deux premiers épisodes (et produit tous les autres), David Fincher s’est trouvé en Netflix sa niche de choix. Il faut toutefois se rendre à l’évidence qu’il est peut-être temps que le célèbre et talentueux réalisateur brise le cordon pour retrouver sa plus belle forme.
On comprend toutefois qu’après ne pas avoir réussi à atteindre le succès espéré avec son Mank, il ait décidé de retourner vers quelque chose de plus confortable: les tueurs. Il les connaît bien et s’est même permis de retrouver le scénariste Andrew Kevin Walker avec qui il avait offert il y a presque trente ans déjà le toujours aussi remarquable Se7en. Tout était indiqué pour des retrouvailles mémorables puisqu’il arrivait finalement à concrétiser son grand projet d’adapter la série de bandes dessinées française Le tueur après presque deux décennies en gestation (Brad Pitt, grand collaborateur du réalisateur d’hier, a déjà été associé au projet d’ailleurs).
Mieux? Le brillant Michael Fassbender, tout juste sorti de sa courte sabbatique, est non seulement son protagoniste, mais aussi de pratiquement tous les plans du film.
On se demande bien alors qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que le résultat soit aussi décevant.
D’abord, bien qu’on y retrouve le style, la minute et la précision du réalisateur (le montage de Kirk Baxter est encore réglé au quart de tour), le tout ressemble rapidement à un pastiche de lui-même et, comme c’est souvent le cas dans les productions de Netflix, à un téléfilm de luxe.
Toujours aux aguets de son époque, l’ensemble est d’une modernité à faire pâlir tous les films d’espionnage, tellement son usage des technologies est épatante. Sauf qu’on a l’impression d’être dans l’ombre de The Girl with The Dragon Tattoo et, si c’est le curriculum vitae de Fincher pour se charger des prochains James Bond, disons que le test ne passe pas et que, pour une fois qu’il se permet d’autant voyager (chaque chapitre du film utilise un lieu différent sur le globe), en pleine pandémie en plus, on préfère probablement quand il reste en terrains connus ou ne multiplie pas trop les points d’intérêt.
Cinéaste perfectionniste, on le préfère quand les distractions sont moins nombreuses et qu’il se permet de mieux polir une surface plus claire, qu’importe toutes les parts d’ombre, les tourments et les ténèbres qui vont en découler.
Fincher, mais…
Ici, on retrouve son amour des narrations, mais sans la magie. Dans Gone Girl, elle était utilisée d’une manière tellement intelligente qu’on en frissonne encore, alors que dans The Curious Case of Benjamin Button, c’était idéal pour craquer pour cet inoubliable protagoniste. Ici, l’ennui se pointe rapidement et les pensées de notre tueur sont rarement d’un grand intérêt. De fait, si la distribution multiplie les visages peu connus, c’est surtout beaucoup trop tard que l’excitation s’élève d’un cran lorsque Tilda Swinton, promise depuis longtemps, se pointe finalement le bout du nez. Il va s’en dire que comme on s’en doute, elle parvient à être remarquable avec bien peu de temps d’écran.
Avec une histoire aussi directe, simpliste et générique, difficile de croire que la série de bandes dessinées qui comporte au moins treize albums (sans compter ses suites) ne permettait pas d’offrir quelque chose avec plus de substance, plus de chair.
On trouve également peu d’humour, hormis peut-être une réplique qui sonne faux dans un ascenseur, rendant le cynisme régulier peu efficace, à moins que cette omniprésence de l’excellent groupe The Smiths soit un running gag qu’on n’a jamais capté. L’humour et le sarcasme sont après tout assez familiers au réalisateur habituellement.
Même son énième collaboration avec Trent Reznor et Atticus Ross se fait discrète et, s’ils ont fait des miracles ensemble par le passé, le tout ressemble davantage à tout ce qu’ils font pour le cinéma depuis quelques années.
Voilà donc un film oubliable qui ressemble à une commande livrée au hasard, comme en fait foi cet épilogue à la limite risible. The Killer est un film de Fincher qui en a l’apparence, mais en rien l’âme. Ce qui est certainement très dommage.
6/10
The Killer prend l’affiche dans certaines salles ce vendredi 27 octobre avant de débarquer sur Netflix le 10 novembre prochain.