On l’attendait depuis quatre ans. Malheureusement, quand les attentes sont grandes, la déception a plus de chances d’être au rendez-vous. C’est un sentiment qui m’habite depuis que j’ai terminé le visionnement de la sixième saison de la série britannique Black Mirror, débarquée sur Netflix jeudi dernier après quelques années d’absence.
D’abord une série plus régulière comptant un nombre généreux d’épisodes traditionnellement formatés, Black Mirror a profité de son virage numérique pour prendre des libertés sur la longueur et la nature de ses nouvelles offrandes : on se rappellera du désormais célèbre et innovant Bandersnatch, l’épisode dont vous êtes en quelque sorte le héros.
La force de Black Mirror, ce sont ses épisodes coup-de-poing qui nous habitent des heures, des jours, voire des années après leur visionnement initial.
Black Mirror est capable, en 40 minutes ou plus, de nous inspirer le dégoût, le malaise, la tristesse ou même l’exultation. Sa marque de commerce, c’est de nous faire réfléchir aux impacts de la technologie sur nos vies, dans le présent comme dans le futur, avec un voyage occasionnel dans le passé.
On se serait donc attendu, alors que le débat sur les limites acceptables de l’intelligence artificielle bat son plein, que les cinq nouveaux épisodes misent sur cette avancée technologique pour s’inviter dans la réflexion.
C’est heureusement le cas du premier épisode, Joan is Awful, où une femme visiblement sans histoire se retrouve bien malgré elle en vedette dans une toute nouvelle série sur Streamberry (un savoureux pastiche de Netflix). Grâce à l’hypertrucage (deepfake), c’est l’actrice Salma Hayek qui incarne la pauvre Joan (hilarante Annie Murphy, qu’on adore dans Schitt’s Creek) et qui revit ses déboires d’heure en heure, pratiquement en simultané. Un court-métrage qui nous encouragera certainement à mieux lire les termes et conditions de nos applications préférées.
Des hauts…
Ce premier volet risque d’être le favori des fans de la première heure de la série, mais le troisième, Beyond the Sea, est à mon sens le plus réussi de la saison.
Campé dans les années 1960, l’épisode suit les tribulations de deux astronautes isolés du reste du monde dans une capsule spatiale, mais qui peuvent demeurer en contact avec leurs familles grâce à une technologie qui leur permet d’incarner un automate à leur image pendant leur sommeil. Or, quand l’un des deux astronautes est confronté à la tragédie, l’autre lui propose d’utiliser sa réplique pour aller se ressourcer dans le bois.
La morale de l’histoire : offrez un pouce à quelqu’un, il en demandera un pied. Je n’en dis pas plus, sinon qu’il serait temps qu’un producteur offre à Aaron Paul un rôle où il n’a pas à être traumatisé pour le reste de ses jours. Il mérite un break, le pauvre.
Si Joan is Awful et Beyond the Sea se classent dans la catégorie classique des épisodes de Black Mirror comme on les aime, il n’en saurait être autrement pour les autres offrandes de la saison.
Et des bas
L’épisode le plus décevant est sans contredit Mazey Day, où des paparazzi sans gêne se mettent à pourchasser une jeune actrice en désintox après un délit de fuite qui a mal tourné. Dans cet épisode, la technologie est carrément absente, alors qu’elle est généralement au cœur des intrigues. De courte durée (40 minutes), l’épisode s’apparente davantage à une nouvelle de Stephen King qu’à un conte dystopique.
Pas très loin derrière, on retrouve Demon 79, un épisode « Red Mirror » qui annonce probablement une série dérivée davantage tournée vers l’horreur et le surnaturel. On fait connaissance de Nida, une jeune immigrante qui travaille dans le rayon de chaussures d’un magasin grande surface. Sa vie est à jamais chamboulée quand elle fait la rencontre d’un démon vêtu comme le chanteur de Boney M et qui lui apprend qu’à défaut de faire trois sacrifices humains en tout autant de jours, elle sera responsable de l’apocalypse sur Terre. Est-ce la réalité ou des hallucinations? Rien de surprenant à cet épisode, qui laisse un arrière-goût de déjà-vu.
La saison compte enfin Loch Henry, un épisode qui mise sur les bons vieux camescopes de l’époque de nos parents pour nous donner une bonne frousse. On suit un jeune couple formé de deux étudiants en cinéma qui décident de réaliser une série documentaire (toujours sur Streamberry) sur une série de meurtres sordides survenus il y a plusieurs années dans le village natal de l’un d’eux. L’épisode est bien, la trame narrative et la réalisation sont très bien, mais on ne renoue pas ici avec ce qui fait le succès de Black Mirror.
C’est ce qui manque à cette saison : un fil conducteur qui nous permet de renouer avec la série qu’on a tant aimée au cours de la dernière décennie.
Malgré tout, force est d’admettre que la grande force de cette sixième saison est le talent de l’équipe de Black Mirror à nous faire voyager à travers différentes époques. Les décors, les costumes et la musique nous ramènent agréablement en arrière.
Alors si on oublie les faibles intrigues, on peut quand même se consoler en se disant qu’on se paie un tour gratis en Delorean, Marty et Doc non inclus.