En 2016, non loin de Grenoble, dans le sud-est de la France, une jeune femme qui rentrait paisiblement d’une fête est brûlée vive; dans un film sorti l’an dernier en France, avec un passage par Cannes, le réalisateur (et coscénariste) Dominik Moll propose une version fictive de ce qui est présenté comme une histoire vraie.
Les intrigues policières, et surtout les histoires de meurtres, se comptent par centaines, voire par milliers dans le septième art (sans oublier la littérature et le petit écran…). Difficile, donc, de présenter quelque chose de complètement différent, de complètement original.
Et La Nuit du 12 ne prétend pas être entièrement aux antipodes de ce qui existe déjà; la différence, en fait, se trouve dans les petites choses. Mais quelle différence! Film franco-belge, d’abord, le long-métrage échappe aux clichés américains, voire même scandinaves, avec leurs policiers aussi alcooliques que près de la retraite.
Plutôt que d’avoir une sombre métropole remplie de voitures tonitruantes, ou encore un village de montagne déprimant enveloppé par le brouillard, nous avons droit à une ville de province tout à fait ordinaire, avec ses habitants ordinaires, ses vies ordinaires. Vies qui seront évidemment chamboulées par l’assassinat sordide de cette jeune femme, sans motif apparent. Et, surtout, sans suspect.
Voilà probablement ce qui détonne le plus, dans toute cette histoire: après la tout, la police semble relativement bien faire son travail… On serait donc en droit de s’attendre à ce que les choses progressent, à ce que les agents finissent par arrêter notre homme (ou notre femme), mais ce n’est pas ce genre de film où les voitures foncent, sirène hurlante, dans une course-poursuite folle à travers le centre-ville.
Non, Dominik Moll, aidé par une distribution plus que solide, a plutôt choisi de parler de la vie « ordinaire » de la police, de l’enquête qui suit son cours normalement, de ces suspects potentiels que l’on élimine, les uns après les autres. Et même si l’on pourrait croire que cela fait de La Nuit du 12 un film ennuyant, il n’en est rien. D’abord, comme cela a déjà été mentionné, les acteurs et actrices jouent bien, mais c’est surtout dans cette volonté de montrer la beauté ordinaire que l’on trouve le meilleur de ce drame.
Comme ce plan, dans une cuisine, où Yohan, le personnage principal, est baigné par la lumière du jour pendant qu’il attend la meilleure amie de la victime. Ou lorsque les policiers discutent entre eux et que l’un des membres de l’équipe déclare que « c’est généralement les hommes qui allument les feux; c’est habituellement les femmes qui brûlent ».
Faut-il autant dire que La Nuit des 12 est un film féministe? Différent, oui; réaliste sur la question des violences faites aux femmes, certainement; suffisamment nuancé pour offrir un portrait parfois choquant d’un monde difficile, absolument. Mais féministe?
Ce que l’on peut toutefois affirmer, sans l’ombre d’un doute, c’est qu’il s’agit d’un excellent film policier; probablement le meilleur des dernières années. Non seulement parce qu’il évite les écueils des clichés, mais surtout parce qu’effectivement, il présente une situation courante et répandue de façon directe et franche.
Un film à voir, donc. Histoire de ne pas oublier que les femmes continuent d’être assassinées par des hommes. Parfois pour aucune raison précise, semble-t-il.