Cette nouvelle mouture de Les trois mousquetaires, si on se fie à sa première partie qu’on nomme tout simplement D’Artagnan, a peut-être de quoi ramener une nouvelle génération vers les écrits, mais peut-être moins pour les puristes qui y recherchaient la poésie au-delà de l’action.
Fait avec un soin évident et un plaisir contagieux de l’ensemble, cette adaptation énergise et rassemble. Bien qu’on aurait pu avoir un bref aperçu de ses ambitions durant le plan séquence d’ouverture de Papa ou maman, il était difficile de concevoir que celui derrière une série de deux comédies dramatiques sympatoches (il renoue en plus avec ses scénaristes) se prendrait la tête avec des mégaproductions. D’abord avec le discutable Eiffel et cette fois avec une production européenne qui a franchement tout pour rivaliser avec les Américains.
Romantique évident, Martin Bourboulon égalise ses cartes et essaie d’en donner un peu pour tous (et tous pour un) en utilisant comme modèle palpable les films hollywoodiens. Sans atteindre ce que Guy Ritchie était parvenu à accomplir avec ses deux Sherlock Holmes, on semble aussi y reconnaître un soupçon de Pirates of the Caribbean et ses semblables. De fait, l’action ne manque pas et ces scènes sont souvent épatantes, gracieuseté de la direction photo soignée du québécois Nicolas Bolduc, qui fait du tout un délice pour les yeux, avec des angles qui détonnent à plusieurs reprises (on pense entre autre à la scène dans la calèche).
Si plusieurs références feront sourire et certaines joutes verbales feront rêver, les puristes ne retrouveront toutefois pas beaucoup de Dumas dans l’ensemble.
Celui-ci baigne ainsi dans une modernisation toujours à deux doigts d’être discutable. Bien sûr, la distribution aide amplement, au point de pardonner notamment que François Civil fait un charmant D’Artagnan trentenaire (au lieu du jeune homme de dix-huit ans des écrits) et que l’irrésistible Vicky Krieps fait une digne Anne d’Autriche évacuée ici de ses racines latines.
C’est peut-être là où cette proposition réussit à l’endroit où la terrible, insipide et plutôt insupportable mini-série immensément coûteuse basée sur Germinal a échouée. Créée pour la version Instagram, avec des échos à notre époque qui semblaient plaqués et sans conviction, et bien que produite pour la télévision, on n’y trouvait que peu d’âme. Ce n’est pas le cas ici. Bien qu’il reste encore la deuxième partie pour juger de la totalité de l’œuvre, on y sent une appréciation davantage qu’un respect pour la source et un bonheur de collaborer au projet.
Certes, il faudra voir ce qui sera fait de Milady puisqu’ici, malgré la grande dévotion de Eva Green et son français quasi-impeccable, elle est particulièrement unidimensionnelle, surtout considérant que le choix de casting pour le cardinal de Richelieu manque cruellement de tonus pour justifier l’aura de menace qu’il est supposé imposer.
C’est peu dire, mais jusqu’à un certain point, on en regrette presque les incohérences farfelues de la version de Paul W.S. Anderson, qui comptait sur la présence toujours succulente de Christoph Waltz. Ici c’est d’avantage un Louis Garrel délicieux de cabotinage dans le rôle du roi sur qui on peut compter pour nous sortir du trop-plein de sérieux lorsqu’il se pointe.
Engageante, cette version nous emporte malgré tout dans son flot presque incessant d’action (tout ce qui a rapport avec les ferrets de la reine est pratiquement remarquable), les compositions épiques de Guillaume Roussel aidant, et on s’éprend nous aussi de l’union naissante entre D’Artagnan et Constance Bonacieux (de compter sur la toujours impeccable Lyna Khoudri aide certainement).
Bon, il faut toutefois parler des ajouts, des modifications, des altérations et on en passe, qui feront certainement douter de la mémoire du lecteur aiguisé. Lire ici : ne pas s’attendre à une adaptation à la lettre. Sauf qu’en faisant du tout une épopée moderne adressée à tous et capable de plaire à presque tous, si cela peut pousser toute une nouvelle génération à s’intéresser à la littérature, on ne dit certainement pas non.
Au reste, on se retrouve dans ce qui pourrait bien être une nouvelle mode dont on est encore incertain de l’accueil à y porter, comme d’un certain désir de faire des classiques littéraires un succès à la Marvel misant sur les univers et les franchises, scène cachée au générique à l’appui où l’on s’attend presque à y voir débarquer Nick Fury pour les recruter.
Cela dit, il serait dommage de gâcher son plaisir, puisque si le film est un peu long, avec Romain Duris (plus à l’aise que dans la collaboration précédente avec le réalisateur), Vincent Cassel et Pio Marmaï en plus au programme, on passe certainement un moment loin d’être déplaisant.
6/10
Les trois mousquetaires : D’Artagnan est à l’affiche depuis le 28 avril. La deuxième partie intitulée Milady est prévue pour le mois de décembre de cette année.