S’il faut oublier qu’il perpétue l’éternelle et fâcheuse tradition de personnages qui parlent presque entièrement en anglais avec un accent, même si le tout se déroule en Europe, plus précisément en France, on doit quand même admettre que ce Chevalier fait bonne figure en ce qui concerne la volonté de mettre en lumière un pan d’histoire malheureusement méconnu.
Entrant rapidement dans le sujet, le film nous présente le fils né d’une relation impure entre le fils d’un homme fortuné et une des esclaves de sa famille. Voyant en lui un don et probablement un peu par culpabilité, le père décide de lui offrir une éducation de nature musicale.
Avec le mot d’ordre de toujours s’élever au-dessus des masses, d’exceller et de toujours s’assurer d’être le meilleur, c’est comme ça que débute le destin de Joseph Bologne qui, malgré ses origines et la couleur de sa peau, parviendra à obtenir les faveurs de la reine Marie Antoinette et de laisser sa marque dans l’histoire de la musique.
Pourtant, comment se fait-il que son nom soit aussi méconnu?
L’histoire avec un grand « H » a ses tristes manières de faire les choses et le racisme étant ce qu’il est, encore de nos jours, plus d’un bâton s’est ainsi mis entre les roues du jeune prodige qu’on a tenté de plonger en disgrâce et d’en effacer carrément toutes traces. Au fur et à mesure que la Révolution française prenait forme, il faut noter que notre protagoniste s’est assuré de prendre de plus en plus position et de profiter de son statut pour vouloir changer les choses, réalisant l’hypocrisie qui menait de front les plus grandes strates de la bourgeoisie et de l’aristocratie.
Sans rien révolutionner, voilà néanmoins un film qui s’assure de bien faire les choses et de profiter des éléments qui lui sont offerts. À cela on pense à la minutieuse reconstitution d’époque, à la musique, mais aussi aux performances, menées de front, oui, par le toujours très fougueux Kelvin Harrison Jr., mais également par un bel alignement d’interprètes féminines et d’intéressants rôles à défendre. On peut fort probablement remercier Stefani Robinson, la scénariste derrière le projet.
C’est peut-être là que le film trouve l’un des ses aspects les plus intéressants, en n’oubliant jamais de rappeler qu’en parallèle au combat des races se tenait aussi celui des femmes, non pas en essayant nécessairement de comparer l’un ou l’autre, mais d’en rappeler les enjeux. Cette manière de relativiser s’opère principalement par le biais de Marie-Josephine, interprétée avec tendresse et nuance par la toujours juste et allumée Samara Weaving. Plus détestable est Minnie Driver en opportuniste, alors qu’il est comme toujours impossible de résister à Sian Clifford sous les traits d’une visionnaire qui a su croire au bon potentiel.
Après plus de deux décennies à œuvrer au petit écran, c’est le cinéaste Stephen Williams qui s’est acquitté de la tâche de la réalisation en s’offrant finalement un nouveau long-métrage. Celui qu’on a déjà vu un peu plus ambitieux notamment avec Lost et Watchmen, deux projets sous la gouverne de Damon Lindelof, s’intéresse davantage au côté classique de son sujet que celui révolutionnaire.
Plutôt dans le ressenti que dans l’interminable énumération des faits, il n’en demeure pas moins que le film parvient à raconter de manière captivante et fascinante cette vie de l’ombre.
L’oeuvre est probablement surtout faite pour un public qui aurait encore de la misère à comprendre tout le chemin qui a été fait et tout celui qui reste à faire, surtout dans sa façon de faire comprendre le syndrome d’imposture qui se trame pour ceux qui n’arriveront jamais à intégrer entièrement un groupe qui ne leur est pas destiné.
Ultimement, le film sait être choquant et faire mal lorsque nécessaire.
Chevalier est certes un film de commande et est loin d’être le résultat d’un projet passionnel, même si le sujet peut certainement prendre aux tripes et que ses artisans y démontrent une affection notable. Une sympathique suggestion qui donnera certainement envie de poursuivre son intérêt et ses recherches sur le sujet par la suite. Ce qui, de ce côté, est toujours gage d’une belle réussite.
7/10
Chevalier prend l’affiche en salle ce vendredi 21 avril.