Trois Québécoises d’origine chinoise préparent une recette de sauce chili pour leur repas entre copines. L’une d’elles, Sophie, a adapté la pièce de théâtre Les Bonnes de Jean Genet, découverte durant sa scolarité. La captation de la pièce que les amies regardent ensemble est l’occasion pour chacune de révéler la richesse de leurs identités complexes, multiples, différentes malgré leur origine commune, et vécues aussi avec plus ou moins de bonheur.
Le sous-titre de la pièce présentée au théâtre aux Écuries, Bonnes Bonnes, Une revanche au parfum d’ail et de piment!, donne un peu le ton du propos général. Comme dans l’œuvre de Genet où deux employées de maison, les bonnes, sont au service d’une certaine Madame à la fois adulée (elles rêveraient de lui ressembler) et détestée (au point de l’assassiner), l’autrice de son adaptation entretient des sentiments contradictoires à l’égard de la société qui a accueilli ses parents et où elle a grandi tout en entretenant un désir de revanche. Mais quelle revanche?
Sophie est un peu anglo, même si la pièce est en français, Charo est née au Québec et parle le français comme on l’apprend dans ses écoles, quant à Meilie, elle semble se sentir au mieux et au plus près de son identité d’origine. En cela, le casting de la pièce est parfait pour proposer au spectateur un panel de trois ressentis assez différents à l’égard de l’immigration, du regard que peuvent porter sur les arrivants la société d’accueil, sur ses bénéfices par rapport au pays qu’avec leurs familles elles ont voulu quitter mais aussi les sentiments de honte voire de rejet de ceux chez qui on a choisi d’aller vivre pour s’y intégrer et faire à son tour partie de la société d’accueil.
Le passage de l’état d’étranger à l’état de citoyen à part entière ne se fait pas sans douleur ni difficulté. Le racisme peut demeurer longtemps après qu’on se soit intégré. Pour autant, est-il si généralisé? J’en doute. Mais il existe et il n’est pas près de disparaitre.
Les trois femmes préparent vraiment leur sauce pour accompagner des mets livrés qu’elles dégustent, pendant que la pièce captée est projetée et vue par elles et les spectateurs. L’œuvre dans l’œuvre donne lieu à de multiples souvenirs, commentaires et révélations quant au ressenti de chacune des protagonistes.
Durant tout le déroulement de la pièce, l’odeur d’échalotes, d’ail et de piment qui mijote dans une marmite posée à même le sol flotte dans l’atmosphère de manière très agréable. Pourtant certains de leurs camarades d’école n’appréciaient pas l’odeur de leurs lunchs quand elles étaient enfants.
Cela fait partie des difficultés que l’on rencontre lorsque, immigrants (et ne le sommes-nous pas tous à différents degrés), nous rencontrons d’autres personnes, différentes et le plus souvent enrichissantes.
Bonnes Bonnes, Une revanche au parfum d’ail et de piment!
Texte Sophie Gee et Tamara Nguyen | Mise en scène Sophie Gee | Assistant à la mise en scène et régisseur Chad Dembski | Distribution Sophie Gee , Charo Foo Tai Wei et Meilie Ng
Bonnes bonnes, du 11 au 22 avril au théâtre aux Écuries, à Montréal