Qui n’a jamais rêvé d’établir un dialogue avec une autre civilisation? Dans Si jamais vous nous écoutez, présentée au Théâtre Denise-Pelletier, l’équipe formée de Maxime Carbonneau et de Laurence Dauphinais tente l’impossible.
L’idée part d’un événement plus que connu : l’envoi des deux sondes spatiales Voyager, dans les années 1970, en direction des confins de notre système solaire. Ces deux engins spatiaux emmenaient avec eux non seulement des instruments de pointe, pour l’époque, mais aussi ces fameux disques dorés contenant quelques informations sur la race humaine et son emplacement, en plus d’une panoplie de sons et de musiques d’origine terrestre.
« J’ai toujours été un peu un geek de l’exploration spatiale, mais il y a quelques années, Laurence Dauphinais, avec qui je collabore depuis une décennie, est tombée sur un balado de Radiolab qui passait en entrevue la dernière épouse de Carl Sagan, qui était sur le comité du golden record, et elle parlait justement de son expérience dans la création de ce disque », mentionne M. Carbonneau au bout du fil.
« En même temps, je suis tombé sur des articles indiquant que la NASA réactivait les moteurs des sondes Voyager pour réaligner leur antenne avec la Terre; les articles témoignaient de la difficulté technique de communiquer avec ces ordinateurs-là, parce que les ordinateurs, sur Terre, ont largement évolué depuis. La technologie des sondes est donc devenue étrangère aux humains et je me disais que c’est fou que nous ayons envoyé une arche éternelle de l’humanité, mais que 40 ans plus tard, nous soyons déjà rendus ailleurs, technologiquement parlant. »
Et donc, pour Maxime Carbonneau, il était essentiel de « raconter l’histoire » de ces disques, de « réactiver le mythe » des golden records. « Sinon, ça n’a plus de sens d’avoir envoyé cela dans l’espace, si l’on a oublié que nous les avons envoyés. »
Ces idées entourant les sondes Voyager et cette sorte d’optimisme new age prévalant il y a une quarantaine d’années ont donc été transposées sur les planches, mais la pièce vient aussi avec son application mobile, où le public est notamment invité à transmettre son propre message à une éventuelle civilisation extraterrestre.
« C’est un genre de prologue au spectacle qui permet de mettre le public au diapason… Le tout est sous forme de jeu vidéo, et nous demandons aux gens de se poser les mêmes questions qui ont occupé les créateurs du golden record et de soumettre une chanson, une salutation au cosmos et une image. Ce que l’on collecte se retrouve sur scène », mentionne encore M. Carbonneau.
Dans un contexte de crises planétaires, faut-il archiver des traces des accomplissements de notre espèce? Si oui, de quelle façon? Qu’est-ce qui nous permettrait de combattre efficacement cette angoisse face à notre éventuelle disparition? Toutes ces questions sont abordées dans la pièce. Et l’ensemble de la chose semble avoir une résonnance toute particulière, dans le contexte de la pandémie qui perdure et de l’urgence de la lutte contre les changements climatiques. Sans oublier, bien sûr, la possibilité toujours présente d’une guerre nucléaire…
Cette réflexion sur l’aspect permanent d’une humanité vouée à disparaître – que ce soit de notre propre main ou par l’expansion inéluctable du Soleil, dans environ quatre milliards d’années – s’inscrit paradoxalement en faux par rapport au théâtre. Car, comme le souligne M. Carbonneau, « à l’exception des captations que l’on déteste tout le temps », le théâtre est quelque chose de temporaire, voué au plongeon dans le néant dès que les lumières se rallument, à la fin de la représentation. Certes, il restera le texte, un peu comme il reste nos enregistrements, nos livres, nos images, nos traces civilisationnelles, mais l’essence de l’oeuvre meurt chaque soir.
« On trouvait intéressant d’amener sur scène cet objet de grande éternité de notre espèce, et de l’invoquer sur scène », indique encore Maxime Carbonneau, en parlant des golden records des sondes Voyager. D’autant plus, dit-il, que ces disques ont une espérance de vie de cinq milliards d’années, soit plus que notre planète elle-même. Est-ce à dire que ces sondes et leur précieuse cargaison deviendront un jour les seules traces restantes de la vie dans notre système solaire?
Les questions sont posées : il en reviendra aux comédiens, mais aussi aux spectateurs, de tenter d’y trouver des réponses.
Si jamais vous nous écoutez, de Maxime Carbonneau et Laurence Dauphinais. Présenté au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 25 novembre.