Installation visuelle, recueil de poésies, film, performance, musique et surtout danse… Les jeux du crépuscule d’Ariane Boulet sont un événement à la fois émouvant, délicat, joyeux, sensible, intelligent et drôle. Il donne à observer et à ressentir de manière ouverte et réaliste l’univers finalement si riche et mystérieux du grand âge, de la perte d’autonomie et de la fin de vie.
Dans l’édifice Wilder, où se donne le beau spectacle de danse contemporaine, une salle est consacrée à une exposition. On y présente une installation faite d’objets insolites.
D’un côté, surmonté de petits mots poétiques en suspension, un étalage de pierres d’ardoise grises qui côtoient des petits bocaux remplis de coton blanc et d’un microscopique objet, dans un premier temps indéfinissable. Il s’agit de jeunes pousses de fleurs de calendales.
Calendale, cela résonne comme calendaire en référence au temps qui passe. Et c’est bien de cela dont il s’agit. Le temps de la vie qui se renouvelle après un certain cycle.
De l’autre côté, des boites en bois qui renferment des objets minuscules. Elles ont été composées par des résidents d’un CHSLD à qui l’on a demandé de réaliser leur maison intérieure avec les objets de leurs histoires personnelles. Des petits textes touchants accompagnent ces réalisations sur lesquelles on peut s’attarder pendant des heures et qui sont une très belle mise en bouche du spectacle présenté par la suite.
Sur la scène où peuvent s’assoir les spectateurs à qui on a offert à chacun un poème unique, six danseurs (quatre femmes et deux hommes) et une musicienne et chanteuse offrent un spectacle de performance et de danse contemporaine qui illustre à merveille une expérience vécue, réalisée auprès de personnes en perte d’autonomie.
On a une ébauche de cette expérience dans une vidéo avant la représentation, mais la fiction présentée dans le spectacle vivant est magnifique, car pleine de bienveillance sans jamais être larmoyante. Pas d’apitoiement, juste de belles et vraies rencontres entre de jeunes danseurs et des résidents très âgés, qui bien souvent ne savent pas trop ce qu’ils disent ou font, mais qui ont encore beaucoup à offrir. Cela donne à voir, à comprendre et à ressentir ce que peuvent vivre les aidants naturels ou les préposés qui travaillent auprès de ces personnes en fin de cycle.
Ce sont toutes les dimensions des choses vues et lues avant le spectacle qui résonnent au moment de la performance. Les propos sont à la fois drôles et touchants, les danseurs excellents, et le tout est offert sur la musique et la voix d’une artiste tout à fait originale, entrainante par moments, plus douce et calme à d’autres.
Les jeux du crépuscule sont un spectacle généreux, très bien pensé et réalisé, dont on sort avec l’envie d’aller vers l’autre et de profiter de toutes les richesses qu’il renferme, et en particulier s’il a accumulé un grand nombre d’années.