Imaginez un monde dans lequel des emballages intelligents, qui contiennent des repas prêts-à-manger vendus en épicerie, offrent des mises à jour à propos de l’impact carbone de ces produits, donnent des avertissements en direct concernant les rappels, ainsi que des alertes dans le cas de la détection d’allergènes en usine.
Mais combien d’énergie en plus faudrait-il pour alimenter un tel système? Et que se passerait-il si une alerte erronée indiquait qu’il fallait jeter de la nourriture pour aucune raison?
Voilà certaines des questions posées par des équipes de chercheurs, notamment un professeur de l’Université de Lancaster, qui, en créant des objets provenant d’un nouveau monde « intelligent » imaginaire, s’interrogent sur les implications éthiques de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur de l’alimentation.
Leurs travaux, intitulés Considering the ethical implications of digital collaboration in the Food Sector, sont publiés dans la revue spécialisée Patterns.
La production alimentaire est le secteur industriel le plus important dans le domaine manufacturier britannique. Des systèmes et processus de production et de distribution alimentaire complexes impliquent des millions de personnes et d’organisations, un semble qui produit de gigantesques volumes de données chaque jour.
Selon l’article, toutefois, pour réaliser le plein potentiel de l’ensemble, il existe un besoin de pouvoir travailler collectivement de façon sécuritaire, en plus de partager et d’accéder à un grand nombre de sources de données dans l’ensemble du secteur alimentaire. Échanger des données et les utiliser de façon efficace, comme en utilisant l’IA et d’autres innovations technologiques, peut potentiellement réduire la pollution, accroître la durabilité et protéger la santé des citoyens.
Au dire des chercheurs, atteindre cet objectif nécessite de s’appuyer sur un mécanisme fiable pour s’assurer que les différentes parties, à travers la chaîne d’approvisionnement, puissent prendre des décisions informées à propos de la crédibilité des diverses sources de données. Mais les organisations peuvent craindre de partager des informations risquées sur le plan commercial, et de nouveaux systèmes sont ainsi développés pour être en mesure d’assurer le respect de la vie privée, tout en permettant une utilisation plus vaste des données recueillies.
« Conséquences inattendues »
L’étude met aussi en garde contre le fait que de nouvelles technologies pourraient donner naissance à des problèmes éthiques et à des conséquences aussi importantes qu’inattendues.
« La création d’une telle collaboration en matière de données nécessiterait l’intégration de technologies nouvelles, mais aussi d’éléments sociaux, institutionnels et politiques pour s’assurer que le système fonctionne bien et de façon équitable pour toutes les parties impliquées », lit-on encore dans l’article.
« Par exemple, si l’on s’appuie sur l’IA, nous devons nous attaquer aux problèmes éthiques qui sont bien connus dans ce domaine, notamment les biais et l’imputabilité, pour créer des systèmes dont l’implémentation est responsable, et qui donnent la priorité au bien-être humain. »
Dans le cadre de leur recherche, les scientifiques ont utilisé une méthode appelée « design fictif » pour explorer les implications éthiques du partage de données à propos de la nourriture, et pour évaluer des technologies qui n’existent pas encore.
Pour la principale autrice de l’étude, la Dre Naomi Jacobs, « plutôt que de se poser des questions générales à propos de ce qui pourrait mal tourner, ou atteindre jusqu’à ce que quelque chose soit entièrement développé, alors qu’il sera probablement trop tard pour changer quelque chose sans que cela n’implique des coûts exorbitants, ou qu’il ne soit nécessaire de repartir à zéro, nous avons imaginé ce à quoi le monde pourrait ressembler si l’utilisation protégée des données existait déjà ».
Dans le cadre d’un projet plus vaste mis sur pied par le Internet of Food Things Network+ pour explorer les données sécuritaires liées au secteur agroalimentaire, l’équipe de recherche a créé des objets qui ont servi « d’accessoires » provenant de ce monde fictif, comme un film « documentaire » à propos d’un rappel en épicerie, et l’emballage « en temps réel » des repas vendus au supermarché.
Ensuite, les chercheurs ont créé un « jeu » éthique pour évaluer les implications de divers aspects desdits objets.
« Par exemple, il est essentiel de déterminer qui a l’avantage, dans ce nouvel environnement; comment les grandes entreprises, les petites compagnies et les consommateurs peuvent subir des impacts positifs ou négatifs, et comment divers aspects éthiques comme la durabilité environnementale et le bien-être, la protection de la vie privée, et la transparence pourraient devoir être équilibrés. Il faut se pencher sur ces questions lorsque nous développerons ces données à échanger et utiliser, à l’avenir », juge la Dre Jacobs.