Se présentant comme un « John Wick avec les couleurs de Miami Vice », Balboa, la toute première bande dessinée de Yann Joseph, démontre bien le potentiel de l’artiste, en dépit de ses faiblesses scénaristiques.
Cruz habite Balboa, une petite ville de la côte ouest américaine qu’elle considère comme un paradis raté. Elle mène une vie tranquille, alternant entre les cours à l’école, les séances de surf et les fêtes nocturnes sur la plage. Profitant de la douceur estivale, la jeune femme dort dans sa voiture, jusqu’au jour où son ami Malcom, qui est aussi son dealer d’herbe, lui propose l’hospitalité de son sofa. Bien qu’elle profite désormais d’un toit au-dessus de sa tête, son existence est perturbée lorsque son chien, Mookie, est enlevé par de sinistres truands. Puisque la police, qui doit composer avec un nombre élevé de meurtres chaque jour, n’a pas de ressources à gaspiller sur la simple disparition d’un animal de compagnie, Cruz et Malcom décident de mener leur propre enquête pour le retrouver, ce qui les conduira sur les traces d’une secte aussi mystérieuse que dangereuse.
Se voulant un hommage au cinéma des années 1980, Balboa est une bande dessinée atmosphérique ne contenant que très peu de texte. Au total, il ne doit pas y avoir plus d’une vingtaine de phylactères sur la centaine de pages que contient l’album, et Yann Joseph prend parfois plusieurs cases pour illustrer une seule action, comme la trajectoire d’un mégot de cigarette lancé dans les airs. Bien sûr, plusieurs films de cette époque reposaient sur des scénarios assez minces, mais l’histoire, développée de manière très linéaire et pratiquement dépourvue de psychologie des personnages, est le point faible du livre. L’auteur introduit entre autres la « God », une drogue en aérosol faisant fureur parmi les jeunes, mais exploite mal cette idée prometteuse. Sa secte maléfique est monolithique, cumulant à peu près tous les clichés du genre, et il ne parvient pas non plus à créer de la tension à travers le récit.
En termes d’illustrations, Yann Joseph possède une signature visuelle bien à lui. Ses compositions graphiques dans Balboa sont intéressantes, tout comme son découpage de l’action. Il prend par exemple un point de vue sous-marin pour montrer la silhouette déformée d’un surfeur à la surface de l’eau, et certaines de ses scènes versent dans le psychédélisme dans le but de transposer les effets hallucinogènes de la drogue en images. Il adopte la violence graphique du cinéma des années 1980, avec des têtes éclatées projetant des torrents de sang et de cervelle ou des explosions démesurées, et sa coloration, dominée par l’orange cramoisi, le mauve et le bleu électrique, est éclatante. Son coup de crayon manque toutefois un peu de maîtrise technique, et ses personnages ne sont pas toujours consistants d’une case à l’autre.
Même si Balboa se démarque davantage par son style visuel que son intrigue, c’est tout à l’honneur des éditions Front Froid de donner la chance à de nouveaux talents de s’exprimer, et malgré ses maladresses, cet album de Yann Joseph constitue un effort louable pour une toute première bande dessinée.
Balboa, de Yann Joseph. Publié aux éditions Front Froid, 104 pages.