Oeuvre particulière que ce Queen’s Gambit, une minisérie présentée sur Netflix offrant un rare plongeon dans le monde compétitif des échecs. Adaptés du roman du même nom de Walter Tevis paru en 1983, les sept épisodes réussissent le tour de force de non seulement jeter un nouvel éclairage sur ce sport cérébral complexe, mais aussi d’aborder, de façon suffisamment originale, les problèmes liés à la célébrité et à la pression exercée sur les jeunes prodiges.
Réalisée par Scott Frank, qui a notamment travaillé au scénario du plus qu’intéressant Logan, en 2017, la série met en vedette Anya Taylor-Joy, que l’on a notamment pu voir dans le film The VVitch, en 2015. Ici, elle joue le rôle d’Elizabeth Harmon, une orpheline qui découvrira les échecs grâce au taciturne concierge de son orphelinat. Véritable génie de la stratégie, elle entamera alors une carrière fulgurante qui la mènera jusqu’en URSS, pour affronter le champion du monde.
En parallèle de la lente libération des moeurs des années 1960, l’ascension de Mme Harmon évoque les durs combats des femmes pour l’égalité des sexes, que ce soit pour pratiquer leur métier, ou pour parvenir à leur éveil sexuel. Confrontée à du sexisme dès le début de sa carrière dans le domaine des échecs, poursuivie par des prétendants simplement parce qu’elle est jolie et est une joueuse exceptionnelle, la jeune femme se retrouve à subir une pression immense pour réussir, et tombera rapidement dans la consommation de substances hallucinogènes et d’alcool.
L’intérêt de The Queen’s Gambit, outre l’idée de mettre de l’avant cette discipline intellectuelle exigeante qui requiert une très grande dose de stratégie, mais qui ne permet pas d’exploiter de faiblesse inhérente dans la conception dudit jeu (puisque ces faiblesses n’existent pas, à l’exception, peut-être, de faire automatiquement commencer les blancs), est d’examiner le parcours en demi-teinte d’une personne qui, on l’a mentionné, doivent subir une pression énorme pour atteindre leur objectif.
Bien entendu, il n’y a pas 36 avenues possibles, et si l’on souhaite raconter le parcours complet d’un individu en environ sept heures, il faudra tourner les coins légèrement ronds, notamment en empruntant certaines voies scénaristiques connues pour évoquer la lutte contre la dépendance et l’éventuel retour à une certaine normalité.
On pourra peut-être questionner le choix de remplacer la première actrice à tenir le rôle, et qui interprète Elizabeth alors qu’elle n’a que 9 ans, pour la remplacer par Mme Taylor-Joy, une actrice de 24 ans, pour jouer une adolescente de 15 ans, et qui est alors l’objet de l’attention d’à peu près tous les hommes – ce qui donne de bien étranges scènes –, mais dans l’ensemble, la série est bien jouée, bien réalisée, et bien scénarisée. Difficile de demander mieux.