À l’image des superproductions de superhéros, la nomination d’un candidat à la présidence des États-Unis ou adversaire du président Donald Trump relève d’un groupe détenteur de superpouvoirs : les superdélégués. Les nouvelles règles de nomination du Parti démocrate, ainsi que le climat propice aux conflits d’intérêts, sont remis en cause dans le New York Review of Books du 18 juillet et dans The Intercept du 30 juin.
Au Parti républicain, le système de «délégués» fonctionne d’après l’idée que le gagnant remporte tout dans plusieurs États, de sorte qu’un seul candidat peu rapidement dominer le champ de bataille, même s’il ne remporte pas une majorité de votes. En 2016, Donald Trump a seulement remporté 32,51% des votes lors des primaires de la Caroline du Sud, mais de remporter tous les 50 «délégués» de cet État lui a garanti une victoire selon le système voulant que le gagnant remporte tout.
À la lumière des circonstances de cette nomination, l’intérêt que porte le président Trump à l’égard des présidents russe et nord-coréen s’explique par leur despotisme venant se nicher dans l’idéal démocratique alambiqué par l’avènement du néolibéralisme, explicité dans l’essai Anatomie d’un désastre – la crise financière de 2008, de Reagan à Trump, du journaliste Serge Truffaut, paru en 2017.
Avec l’objectif de constituer un rempart contre les insurgés populistes, le système de nomination démocrate fourni un terrain beaucoup plus égalitaire. Afin d’éviter qu’un candidat soit nommé chef sans participer aux primaires, comme ce fut le cas pour Hubert Humphrey, le Parti démocrate a réformé le processus de nomination afin de retourner le pouvoir envers l’establishment du parti, lit-on dans The Intercept.
Après l’élection de 1980, la catégorie de «superdélégué» a été créé pour assurer le succès des candidats représentant le courant dominant, en réponse à la nomination de George McGovern qui a perdu contre Richard Nixon. Sa campagne a été jugé trop à gauche par les membres réguliers, lit-on dans le New York Review of Books. «En fait, depuis la création des «superdélégués» dans les années 1980, ils ont toujours renforcé le choix des primaires et du caucus», écrit le professeur à l’Université de Princeton, Paul Starr dans la revue libérale The American Prospect de septembre dernier.
Le Parti démocrate a adopté de nouvelles règles de nomination pour l’élection de 2020. Cette année, les «superdélégués», estimés au nombre de 764, vont seulement pouvoir voter si aucun de la vingtaine de candidats en liste ne remporte la majorité au premier bulletin de vote, c’est-à-dire obtenir au moins 15%. «Le grand nombre de candidats divise le vote, puisqu’il est douteux que plus de deux ou trois atteignent le seuil de 15% pour recevoir l’appui des «superdélégués»», a affirmé le président du parti démocrate au New Hampshire, Ray Buckley à The Intercept.
«Les mathématiques n’existe pas pour justifier un second bulletin de vote», poursuit M. Buckley.
Poids de l’establishment
Selon le chroniqueur politique Michael Tomasky dans le New York Review of Books, le scénario cauchemardesque serait qu’un candidat comme Joe Biden, Kamala Harris ou Elizabeth Warren ait un léger avantage devant Bernie Sanders, autour de 200 «superdélégués», sans toutefois détenir la majorité. Au second bulletin de vote, les «superdélégués» votent pour un autre candidat pour bloquer Bernie Sanders, ce qu’ils feraient sûrement.
Dans ce cas, Bernie Sanders et ses supporteurs se plaindraient que la révolution du peuple ait été contrecarrée par les corporatistes.
Avec l’application de ces nouvelles règles, le chroniqueur Michael Tomasky redoute une réaction pire que celle de 2016 par le camp de Bernie Sanders. Alors que The Intercept attribue le climat de confusion et de colère de l’élection précédente au système des «superdélégués». À chaque État que remportait Bernie Sanders contre Hillary Clinton, les médias projetaient que Mme Clinton détenait plus d’appuis en ajoutant le nombre de «superdélégués» qui lui étaient loyales.
En vue de l’élection de 2020, The Intercept a identifié au moins huit «superdélégués» qui travaillent actuellement avec des lobbys du secteur privé de la santé et qui s’opposent à l’aide médicale pour tous. Un système public de santé est l’une revendication des socialistes démocrates.
«Je ne vois aucun conflit d’intérêts que des membres de lobbys soient des «superdélégués». Avant d’être membre de lobby, ce sont des citoyens et des démocrates», a affirmé le lobbyiste et «superdélégué», Marcus Mason.
Bipartisme
Il n’y a pas que des lobbys pro-corporatisme ou pro-capitalisme qui tentent d’accaparer le pouvoir de cette catégorie issue de l’avènement du néolibéralisme. Au mois de mai, la campagne de Bernie Sanders a engagé une activiste anti-pauvreté et «superdélégués», Susie Shannon en tant que directrice pour l’État de Californie. La «superdélégués» Laphonza Butler est consultante senior pour la campagne de Kamala Harris. L’équipe de Joe Biden inclut deux «superdélégués».
Pourtant, le Représentant démocrate de Californie et coprésident de la campagne de Bernie Sanders, Ro Khanna, a affirmé: «Je ne pense pas qu’il y ait une raison valable pour que mon vote compte autant que celui de plus de 300 millions d’Américains qui choisissent leur président. C’est juste anti-démocratique».
À l’instar du slogan «Make America Great Again», le versement de 700 milliards aux banques sous la présidence de Barack Obama justifierait le réemploi du «No taxation without representation» par les socialistes démocrates, qui auront besoin ni plus ni moins qu’une révolution pour atteindre le pouvoir, dans ce système politique à deux partis.
L’élection de Donald Trump, en 2016, que l’establishment n’a su prédire, rend ce dénouement envisageable, et ce pour les mauvaises raisons.
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