Prenant place dans un avenir proche et peu reluisant et proposant un récit teinté d’urgence, la bande dessinée Femme sauvage de Tom Tirabosco nous entraîne dans le sillage d’une fin du monde à saveur écologique.
En dehors des belles paroles et des mesures cosmétiques, les gouvernements d’un peu partout à travers la planète en font très peu pour contrer les changements climatiques, et dans ces conditions, il est évident que la situation continuera de s’aggraver et que les conséquences affecteront de plus en plus nos sociétés. Pour la bande dessinée Femme sauvage, le point de rupture ne se situe pas dans un lointain futur, mais aussi tôt que 2022. Tandis qu’une sècheresse sans précédent s’abat sur le globe, faisant fondre jusqu’au pergélisol, que des émeutes réprimées dans le sang font rage dans les rues des grandes villes et que la civilisation elle-même menace de s’effondrer, une jeune femme munie d’un sac à dos entreprend, à pied, un long et dangereux périple dans le but de rejoindre les rebelles réfugiés au Yukon, mais en se déplaçant uniquement à travers la forêt afin d’éviter les routes et les endroits peuplés, la voyageuse renouera avec ce qu’il reste de nature, et un mode de vie plus simple.
À travers le périple de son héroïne, qui restera sans nom jusqu’à la toute fin de l’album et qui devra s’habituer à survivre seule en forêt pendant que le reste de la société s’écroule, Femme sauvage oppose la sauvagerie d’un capitalisme sans scrupules, prêt à sacrifier la planète et ses habitants au nom du profit, à celle des peuples primitifs vivant davantage en harmonie avec la nature, et souvent qualifiés de « sauvages ». Dotée d’une forte conscience écologique, la bande dessinée évoque un croisement entre The Road de Cormack McCarthy et le Walden d’Henry David Thoreau (dont on peut d’ailleurs voir la couverture dans plusieurs cases), et bien que ce récit de fin du monde soit glauque, l’auteur y glisse une touche de beauté et de poésie, avec des phrases comme : « Finalement, l’humanité n’est rien d’autre qu’une petite éjaculation de rien du tout dans le grand orgasme de l’univers ».
En plus du scénario, Tom Tirabosco signe également les illustrations de Femme sauvage. Effectués au fusain et au crayon de plomb, ses dessins tracés d’un trait gras sont denses, sans être dénués de finesse, et leur aspect artisanal et organique colle très bien à la dimension intemporelle de ce conte apocalyptique. Le style visuel de l’artiste se prête aussi bien aux cités assiégées et aux scènes de répression policière à grande échelle qu’aux forêts sous leur épais rideau de pluie, ou éclairées à la lueur d’un feu de bois. Tirabosco n’hésite pas à mettre en scène la « cruauté » de la nature en plus de celle des hommes, et les visions oniriques de son héroïne lui permettent d’insérer un soupçon de mythologie à ses planches, avec son géant primitif couvert de peaux de bêtes, son hibou orné d’une tête de squelette, ou son orignal cauchemardesque couvert de pustules.
Si elle ne risque pas de faire pas changer d’idée un climatosceptique, la bande dessinée Femme sauvage livre un récit fort éclairant, qui rappelle que nous ne disposons peut-être pas d’autant de temps que nous le pensons avant que ne survienne une catastrophe écologique, qui changera à jamais le visage de nos sociétés.
Femme sauvage, de Tom Tirabosco. Publié aux Éditions Futuropolis, 240 pages.
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