Se déroulant non pas dans un quelconque royaume médiéval fictif, mais à l’ombre de la seconde révolution industrielle dans la France des années 1900, la nouvelle série Aristophania de Xavier Dorison et Joël Parnotte injecte une saveur unique à sa fantasy.
Les trois enfants de Clément Francoeur, un ouvrier décédé dans des circonstances nébuleuses à Marseille en 1900, ne se sont jamais doutés que leur défunt père était en fait un chevalier du nom d’Arlin Stagaart, qui poursuivait une mission secrète avant qu’un assassin ne mette abruptement fin à ses jours. Neuf ans après sa mort, Basile, Victor et leur sœur Calixte se retrouvent livrés à eux-mêmes quand, pour avoir simplement participé à une manifestation dénonçant les conditions de travail à son usine, leur mère est jetée en prison.
Recueillis par la comtesse Aristophania Léontine Armance Bolt-Privat de Rochebrune, une vieille dame se disant une amie de la famille, les trois « orphelins » se rendront en Provence, où ils en apprendront davantage sur l’Azur, une énergie reliant tous les hommes du cosmos entre eux, sur le conflit ayant déjà coûté la vie de leur père, et sur leur propre destin.
La très grande majorité du temps, les récits de fantasy prennent place dans des mondes d’inspiration médiévale. Voilà pourquoi, en campant son intrigue dans la France du début du 20e siècle et en remplaçant les habituels dragons par des cheminées enfumées et les châteaux imprenables par des usines industrielles où les adultes comme les enfants travaillent dans des conditions ignobles, Aristophania apporte quelque chose de nouveau au genre. Si ses trois jeunes héros n’ayant connu que la misère sont très Dickensiens et que la comtesse qui les initiera à ce monde de magie a définitivement des airs de parenté avec une Mary Poppins du troisième âge, l’univers dépeint dans Le Royaume d’Azur est assez unique, et inusité, pour piquer la curiosité, et donner envie de lire la suite de cette série, prévue sur quatre tomes.
Joël Parnotte s’inspire de l’esthétique caractéristique de la Belle Époque pour produire des images de fantasy différentes de ce qu’on a l’habitude de voir. Texturées par des dizaines et des dizaines de fines lignes de crayon leur donnant du mouvement, ainsi qu’une belle profondeur, les illustrations de l’artiste regorgent d’une foule de petits détails sur lesquels on prend plaisir à s’attarder, et sont tellement parlantes qu’il peut passer une page entière sans avoir recours à une seule ligne de texte, et quand même faire avancer l’histoire. Tandis que la première partie de l’album est dominée par la grisaille des petites rues de Gennevilliers, un quartier pauvre au bord de la Seine, la coloration explose dans la seconde partie du livre, avec son domaine bucolique du Sud de la France bordé de forêts lumineuses.
La fantasy gagne définitivement à varier ses environnements et ses contextes, comme le prouve le premier tome d’Aristophania, une nouvelle série fort prometteuse, à mi-chemin entre le réalisme social et le fantastique.
Aristophania, Tome 1: Le Royaume d’Azur, de Xavier Dorison et Joël Parnotte. Publié aux Éditions Dargaud, 64 pages.
Un commentaire
Pingback: Critique Aristophania - Patrick Robert