Que se passe-t-il dans la tête de Charlie Brooker? L’homme au ton incisif, aux remarques cinglantes, aux visions déprimantes et terrifiantes de réalisme s’est-il endormi aux commandes de son propre navire? Voilà qu’après Bandersnatch débarque une véritable cinquième saison de la série Black Mirror, une resucée sans âme qui devrait signer, on l’espère, la fin de l’oeuvre.
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À l’image des saisons précédentes, les créateurs nous présentent trois histoires non liées entre elles, qui sont toutes supposées s’inspirer de possibles dérives de la technologie dans un future proche. La première de ces histoires, Striking Vipers, met en vedette deux amis de longue date qui entretiennent depuis belle lurette une passion pour le jeu éponyme, un titre d’arcade ressemblant à Mortal Kombat et autres Street Fighter. Avec l’ajout d’un module de réalité virtuelle, cependant, il est possible « d’entrer » dans le jeu et de se glisser carrément dans la peau de son personnage.
Un premier combat dérape, et nos deux amis, l’un ayant revêtu l’apparence d’une jeune femme, finissent par coucher ensemble dans le jeu. Le hic, c’est que l’un des deux amis en question est marié et père de famille, et tente en plus de concevoir un deuxième enfant. Sa « relation » extraconjugale mènera cependant sa relation de couple au bord du précipice.
Si l’idée a du bon, on a l’impression que cette idée de changement temporaire de sexe, qui pourrait pourtant être au coeur de l’intrigue, a été mise de côté au profit d’une histoire ordinaire de couple qui bat de l’aile. Et le fait d’avoir retenu les services d’Anthony Mackie (The Avengers) n’y change malheureusement rien.
On avait un peu plus d’espoir pour Smithereens, une histoire s’appuyant sur la toute puissance des réseaux sociaux pour donner libre cours à Andrew Scott (Sherlock) et à son gigantesque talent dramatique. Et s’il est vrai que l’acteur est toujours aussi bon, toujours aussi magnifiquement fou, cette histoire d’homme au bout du rouleau qui exige de parler au patron du méga-réseau social mondial, une manière de dire Facebook sans payer de redevances, n’adopte jamais un ton très « black-mirror »-esque.
De fait, le seul aspect dystopique de la chose est d’avoir réussi à faire du patron, un Topher Grace aux cheveux longs et à la barbe de trois jours, une personne aux émotions plus humaines que le véritable PDG de Facebook, Mark Zuckerberg.
Enfin, Rachel, Jack et Ashley Too, qui met en vedette Miley Cyrus, a des allures méta-épisode. On y suit la carrière d’une chanteuse pop, Ashley (Cyrus), qui aimerait bien faire autre chose que de la musique rose bonbon. Malheureusement, sa tante (et gérante) a d’autres plans, et finit par la plonger dans un coma pour espérer la remplacer par une copie numérique d’elle-même.
Parallèlement à cela, on nous présente Ashley Too, un robot à la personnalité de la chanteuse qui se libérera de son joug numérique pour tenter de venir en aide à son double humain.
Là encore, les thèmes de l’immortalité, de la conscience, voire de l’âme humaine auraient pu être exploités. On a hélas droit à une simple péripétie où toute la technologie n’a qu’un rôle décoratif.
Voilà sans doute le grand problème de cette cinquième saison de Black Mirror: les avancements technologiques ne sont plus au coeur des scénarios, mais servent plutôt d’apparat et de simples facilitateurs pour une structure dramatique qui s’en trouve amoindrie. Entendons-nous: rien n’est médiocre, dans ces nouveaux épisodes. Mais rien n’est bon, non plus. Rien n’est original. Rien n’est osé, ou encore terrifiant.
Black Mirror a-t-il encore raison d’être? Il est fortement permis d’en douter. Voilà qui est franchement dommage, après des années à fixer, d’un regard inquiet, notre téléphone intelligent ou notre assistant personnel.
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