Le scénariste Yves Sente et les dessinateurs Teun Berserik et Peter Van Dongen perpétuent de belle façon l’héritage d’Edgar P. Jacobs avec La Vallée des Immortels, le 25e album de la série culte Blake et Mortimer.
Le premier, le capitaine Francis Blake, est un ancien pilote de la Royal Air Force devenu directeur du MI5 (le service de contre-espionnage anglais), et l’incarnation même du fameux flegme britannique; le second, le professeur Philip Mortimer, est un Écossais au caractère bouillant, et un spécialiste en physique nucléaire qui a toujours la pipe collée au bec; ensemble, ils forment l’un des duos les plus légendaires de la bande dessinée franco-belge. Dès son apparition dans les pages du Journal de Tintin en 1946, la série Blake et Mortimer a su séduire un large public, grâce notamment à sa façon d’aborder des thèmes relevant habituellement de la science-fiction avec réalisme, et malgré la mort du créateur, Edgar P. Jacobs, en 1987, les deux amis continuent de vivre des aventures hors du commun, comme le prouve le premier tome de La Vallée des Immortels, un tout nouveau diptyque les mettant en vedette.
S’insérant chronologiquement tout de suite après Le Secret de l’Espadon, La Vallée des Immortels propose un récit autonome pouvant servir de porte d’entrée à ceux qui n’ont jamais lu de Blake et Mortimer, tout en glissant assez de clins d’œil à travers ses pages pour satisfaire les lecteurs de longue date. Tandis que Blake s’affaire à élaborer les défenses de la colonie britannique de Hong Kong dans l’après-Troisième Guerre mondiale, Mortimer de son côté se retrouve au cœur d’une mystérieuse découverte archéologique, qui pourrait bien déterminer l’issue même du conflit déchirant la Chine entre les communistes de Mao, les nationalistes de Tchang Kaï-chek et un seigneur de guerre nommé Xi-Li. Sorte d’improbable croisement entre Indiana Jones et André Malraux, l’intrigue tissée par le scénariste Yves Sente est agréablement dense, touffue, et prend parfois les allures d’un cours accéléré sur les dynasties impériales chinoises.
Dessiné à quatre mains par Teun Berserik et Peter Van Dongen, La Vallée des Immortels reprend, avec une fidélité déconcertante, le style graphique d’Edgar P. Jacobs, du trait de crayon jusqu’au lettrage. Même la coloration, un peu rétro, évoque les vieux albums de la série. Les illustrations constituent ce que l’école de la ligne claire a de mieux à offrir, et que ce soit le port de Nankin, rempli de jonques, de caisses de marchandises et de travailleurs vaquant à leurs occupations, ou encore les rues de Hong Kong grouillantes d’activités avec leurs lanternes de papier suspendues, leurs poussepousses et leur foule dense et compacte, il n’est pas rare que l’on s’attarde sur une seule case pendant plusieurs minutes tellement elles foisonnent de détails. En plus de condenser une moyenne de quinze cases par page, les phylactères prennent fréquemment la moitié de l’espace, ce qui en fait une lecture assez substantielle au final, malgré sa cinquantaine de pages.
Science, mystère archéologique et aventure : on retrouve tous les ingrédients d’un bon Blake et Mortimer dans La Vallée des Immortels, un album qui, en plus de combler les fans, pourrait bien donner le goût à de nouveaux lecteurs de plonger dans cette série, toujours aussi bonne après plus de trois-quarts de siècle d’existence.
Blake et Mortimer : La Vallée des Immortels, Tome 1 – Menace sur Hong Kong, de Yves Sente, Teun Berserik et Peter Van Dongen. Publié aux Éditions Blake et Mortimer, 56 pages.
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