Bonne nouvelle! Disney a décidé de ne pas offrir le traitement du remake à son indémodable Mary Poppins. Mauvaise nouvelle, ils ont quand même cru bon lui offrir une suite.
Tout est une question de scénario. Certes, l’industrie de la nostalgie est de loin la plus profitable du moment et Disney le sait mieux que quiconque, transformant tous ses dessins animés en prises de vues réelles. Sauf que vouloir faire de son Mary Poppins Returns une véritable suite est un leurre bien mal camouflé pour simplement faire de la redite sans nécessairement se permettre ne serait-ce qu’un infime semblant d’effort et de créativité.
Certes, le choix de Rob Marshall en était un tout indiqué, lui qui est devenu grand maître des comédies musicales à grand déploiement, notamment avec son mésestimé Into The Woods, également avec Disney. Le hic, c’est que sa première contribution au scénario d’un film est remplie de paresse, se contentant du schéma actanciel ressassé ad nauseam par Disney, en plus d’une tonne de références directes ou détournées au classique d’origine et, bien sûr, aux livres de P.L. Travers, qui a eu droit à son propre hommage dans le charmant Saving Mr. Banks d’il y a quelques années.
Heureusement, la mise en scène, elle, en offre certainement pour son argent. Livrant tout ce qu’il peut pour en faire un conte de fées moderne et d’époque (Marshall se serait battu corps et âme pour conserver l’intégration de prises de vues réelles à de l’animation en deux dimensions, et on l’en remercie grandement!), Rob Marshall s’amuse avec tous les outils à sa disposition et en fait une véritable folie qui reflète toute l’audace technique de l’original avec les moyens d’aujourd’hui. Si ce ne sont pas toutes les propositions qui fonctionnent (comme c’était le cas à l’époque, après tout), il n’en demeure pas moins que le film est un festin visuel et technique impressionnant qui sert malheureusement un projet créatif particulièrement insignifiant.
Trop occupé à produire son lot de références pour les parents et les amateurs du précédent film, tout en essayant de pondre un récit distinct juste assez captivant pour ne pas perdre tous les nouveaux publics qu’il veut recueillir, l’ensemble s’embourbe ainsi dans une course contre la montre abracadabrante pour ne pas perdre la demeure des Banks, une famille encore tout récemment frappée par un deuil inimaginable. À cela s’ajoute ainsi un méchant de service complètement inutile, enlevant toute la spontanéité du matériel original qui ne portait, après tout, que sur deux enfants turbulents en quête d’amour, d’attention et de soins.
Avec un besoin de motivation, d’explications et de justifications pour tout ce qui se passe (typique de notre époque), on perd ainsi la candeur d’antan où la magie se mêlait à l’absurdité de la vie pour en faire ressortir des réflexions ingénieuses et souvent épatantes sur la monotonie de la vie et le manque d’excitation de la routine. En fait, on retrouve le même problème qu’avec Incredibles 2, sorti également cette année, où les besoins d’une commande se font grandement ressentir en comparaison du prédécesseur, qui avait grandement quelque chose à dire et à démontrer, et non pas à livrer.
Bonne distribution, mais…
Certes, la distribution est très prestigieuse. Et si les cérémonies et les associations sont prêtes à offrir les mêmes éloges à la production qui s’était mérité pas moins de cinq statuettes dorées, on doute fort que malgré sa dévotion, l’Oscar revienne à Emily Blunt, comme ce fut le cas avec l’immense Julie Andrews,tellement sa version de la célèbre nounou s’avère beaucoup plus terrifiante et décidément plus chaleureuse.
C’es tun peu ce qui cloche. On a tellement envie d’en faire une vision à part entière, mais cela est toujours ironiquement ramené sur terre avec le désir constant de toujours référencer ce qu’on a apprécié auparavant. Même chose pour la présence énigmatique de Meryl Streep, qui est bien inutile, si ce n’est pour qu’elle refasse équipe avec Marshall (qui l’avait mené aux nominations des Oscars, d’ailleurs) et faire un lien plus ou moins forcé avec l’oncle farfelu du premier film. L’ajout de quelques cameos n’aident pas non plus à essayer de ne pas forcer le jeu des comparaisons, alors que le piètre Lin-Manuel Miranda n’arrive certainement pas à la cheville du grand Dick Van Dyke.
Oui, Emily Mortimer a certainement le physique et le visage requis pour donner une idée de ce que serait devenu Jane, mais ce qu’on fait de son personnage est désolant, tout comme c’est le cas de Ben Whishaw qui, à l’instar de Colin Firth, ne sait pas trop comment jouer sa partie. On regrette aussi que la grande Julie Walters soit aussi sous-utilisée, et que les chorégraphies n’aient pas le panache du film original, mêlant souvent acrobaties inutiles à des moments dansants marquants. Le manque de chansons mémorables ou un tant soit peu agréables n’aide pas non plus.
Tout cela, c’est sans compter les morales beaucoup plus douteuses qu’on inclut ici, contrairement à celles rassembleuses et honorables de la famille, l’intégrité et du refus des dangers du capitalisme(!) que le premier sous-entendait avec une savoureuse subtilité.
Reste alors une jolie production à se mettre sous la dent pour charmer les jeunes et ceux qui ont encore une part de leur cœur d’enfant,toute désignée pour l’époque qui ne demande pas trop d’efforts pour trouver satisfaction. Arrêtons simplement toutefois de prétendre avoir pondu quelque chose qui soit de la même trempe que brillant Mary Poppinset de son fabuleux héritage.
6/10
Mary Poppins Returns prend l’affiche en salles le 19 décembre prochain.