Barry Levinson nous replonge au cœur d’un scandale d’abus sexuel ayant secoué l’Université Penn State et tout le milieu du sport universitaire en 2011, avec le téléfilm biographique Paterno.
Quiconque s’intéresse au football universitaire américain connaît Joe Paterno. Véritable pilier de l’Université Penn State (qui avait même érigé une statue en son honneur), l’entraîneur en chef de l’équipe des Nittany Lions comptait pas moins de 409 victoires à son actif, un record de tous les temps, mais en novembre 2011, sa longue et fructueuse carrière connaîtra une fin abrupte lorsque Jerry Sandusky, l’un de ses employé et ami de longue date, est accusé d’avoir agressé sexuellement huit garçons sur le campus. Rapidement, la population s’entredéchirera entre ceux qui soutiennent le coach de 84 ans, affectueusement surnommé JoePa, et ceux qui l’accusent d’avoir fait preuve d’aveuglement volontaire, et exigent sa démission.
Paterno est un drame biographique se déroulant en périphérie de l’affaire Jerry Sandusky, et il n’est pas évident de comprendre l’intention derrière l’œuvre. Voulait-on démontrer que les garçons sont aussi victimes d’agressions sexuelles? Que le silence est une forme de complicité criminelle? Cherchait-on à humaniser Paterno en le dépeignant comme une victime de la vindicte populaire, ou à souligner le travail de la journaliste qui a travaillé d’arrache-pied pour que l’histoire éclate? À un certain moment, l’un des protagonistes dira: « A crime against children happened. Why the heck is anyone talking about Joe Paterno? », et cette phrase résume admirablement bien le long-métrage.
Signé Barry Levinson, à qui l’on doit plusieurs classiques, dont Good Morning Vietnam, Rain Man et Wag the Dog, la réalisation de Paterno est impeccable. Présenté de façon non linéaire, le récit alterne entre 1998, 2001 et 2011, et un montage dynamique incorpore des extraits de matchs de football, ou de véritables reportages télévisés de l’époque. Le téléfilm est surtout pertinent quand il illustre l’absurde cirque accompagnant ce genre d’événement, et dans l’une des scènes les plus mémorables, on peut voir une manifestation de soutien spontanée devant la maison de Paterno, et ce dernier, timidement, remercier la foule en leur demandant du bout des lèvres de « prier un peu pour les victimes ».
Al Pacino livre une performance économe dans Paterno, ce qui convient parfaitement pour jouer un homme renfermé, qui ne pensait principalement qu’au football, et qui était si dépassé par les événements qu’en plein milieu d’une conversation énumérant les accusations envers Sandusky, il interrompt ses interlocuteurs pour leur demander ce qu’est la sodomie. Il est bien entouré, avec des comédiens comme Kathy Baker (Edward Scissorhands), Greg Grunberg (Heroes) ou Peter Jacobson (Colony), mais aucun de ces acteurs n’a vraiment l’occasion de briller, puisque l’emphase est surtout mise sur le personnage de JoePa, et sa descente aux enfers.
Paterno est uniquement disponible en format DVD, et l’édition inclut également un code pour télécharger une copie numérique. Il y a très peu de matériel supplémentaire sur le disque, soit deux courtes revuettes de moins de deux minutes chacunes. Le réalisateur Barry Levinson et l’acteur Al Pacino parlent du personnage lui-même dans la première revuette, tandis que la seconde s’attarde surtout à l’héritage laissé par Paterno, au-delà du scandale ayant mis un terme à sa carrière.
Joe Paterno méritait-il d’être ainsi vilipendé et de voir sa vie brisée pour avoir gardé le silence sur des crimes odieux commis par l’un de ses amis? C’est la question que soulève Barry Levinson avec le drame biographique Paterno.
6/10
Paterno
Réalisation : Barry Levinson
Scénario : Deborah Cahn et John C. Richards
Avec : Al Pacino, Kathy Baker, Joshua Morgan, Larry Mitchell, Greg Grunberg et Peter Jacobson
Durée : 105 minutes
Format : DVD
Langue : Anglais, français et espagnol
Un commentaire
Pingback: Critique Paterno - Patrick Robert