La réputation de l’auteure de polars Fred Vargas n’est plus à faire. Munie de son étonnant personnage Adamsberg, l’écrivaine multiplie les romans policiers au ton quelque peu décalé, où les réflexions bien souvent bigarrées de cet homme étrange donnent un certain charme à la chose. Malheureusement, pour Un lieu incertain, paru en 2008, Vargas donne l’impression d’être sur le pilotage automatique.
En déplacement à Londres pour un congrès, Adamsberg est appelé au cimetière de Highgate, où l’on a découvert une série de pieds encore insérés dans des souliers, mais autrement promptement sectionnés. De retour en France, la brigade du commissaire est confronté à un autre crime: dans un petit pavillon de banlieue, un homme a été non pas « simplement » découpé en morceaux, mais carrément pulvérisé et éparpillé dans ce qui était autrefois un salon.
Engagé dans une enquête qui progresse difficilement, et confronté à des gens haut placés qui semblent avoir envie de lui faire porter le chapeau, Adamsberg se retrouve quelque part en Serbie, sur la trace de prétendus vampires, quasiment englouti dans une histoire de superstition vieille de plusieurs siècles.
Le style de Vargas est connu, mais entre « ressortir ses classiques » et donner dans la paresse stylistique, la ligne est parfois mince. Et autant les premières oeuvres de l’auteure ont marqué l’imaginaire et la littérature policière, avec son Paris sombre, comme figé dans le temps, où l’on a l’impression de constamment se trouver à l’automne et de respirer une odeur de feuilles mortes légèrement écoeurante, autant ce Lieu incertain donne dans le remplissage.
Passe encore pour l’enquête sur la victime écrasée, presque émiettée. Mais était-il franchement nécessaire d’expédier le lecteur dans le fin fond de la Serbie, pour échafauder une abracadabrante histoire de créatures suceuses de sang qui hanteraient l’Europe depuis plusieurs siècles?
Peut-être que les véritables mordus trouveront ici suffisamment de matière à se mettre sous la dent, mais pour le lecteur moyen – ou celui qui a accès aux autres oeuvres de Vargas, souvent bien meilleures -, Un lieu incertain ne représente pas une perte de temps, mais plutôt une séance de lecture morne et tirée par les cheveux. Impossible de réussir à tous coups, après tout…